Les particularités de l’EPP
Evaluation des Pratiques Professionnelles
Formation et pratique : lien indissoluble, allers-retours incessants
Formation médicale continue (FMC) et évaluation des pratiques professionnelles (EPP) répondent maintenant à deux objectifs généraux, même s’ils sont de nature différente.
Le premier, essentiel, leur est intrinsèque et procède d’une démarche de qualité permanente : FMC et EPP ont pour but commun l’amélioration de la qualité des soins rendus à la population. Le second leur est extrinsèque : il est issu des lois récentes. L’obligation, assortie de sanctions éventuelles, ajoute à l’objectif de base un enjeu de type réglementaire. Comment concilier ces deux objectifs est sans doute pour la profession l’un des points clés des années à venir. De quoi s’agit-il, au-delà de l’obligation réglementaire qui s’impose maintenant – parmi d’autres – aux médecins ? Pour ce qui est des méthodes, on peut s’en tenir à la définition proposée par la HAS : « L’EPP consiste en l’analyse de la pratique professionnelle en référence à des recommandations de bonnes pratiques et selon une méthode élaborée ou validée par la Haute Autorité de Santé. Elle inclut la mise en œuvre et le suivi d’actions d’amélioration des pratiques »
[1] Pour ce qui est du fond du problème, la question reste entière : « l’enjeu de l’évaluation des pratiques est l’actualisation des modalités de prise en charge et l’amélioration continue de la qualité des soins et du service rendu aux usagers du système de santé »
[2] Evaluer les pratiques professionnelles, soit, donc s’assurer que les pratiques évaluées répondent aux critères de qualité exigibles en l’état actuel des connaissances. Mais qu’est-ce qu’un « bon » médecin ? Comment attester de sa compétence ? Question simple, réponse complexe : raison de plus pour ne pas s’appesantir sur des procédures qui ne répondront au mieux que très partiellement à la question.
Il faut donc – a priori – admettre les limites de l’exercice et en faire le simple moyen d’une appropriation convenable d’une information médicale validée : un mode de formation parfaitement adapté à des professionnels en activité. L’EPP répond donc aux deux exigences fondamentales de cette formation :s’appuyer sur l’expérience pour l’analyser en dehors du contexte propre à chacun et travailler sur les processus intellectuels et procédures concrètes qui conduisent à la prise de décision dans des circonstances analogues ; après cette analyse et l’apport des éléments théoriques et pratiques de correction ou de renforcement, reconsidérer ces acquis « en situation », simulée au cours même de la formation, ou réelle (par exemple par la méthode de l’audit), après la formation.
EPP : des intentions à la mise en oeuvre
L’Institut d’études des politiques de santé avait été mandaté en 1997 par le ministère de l’emploi et de la solidarité pour faire une analyse des méthodes capables d’influencer les pratiques professionnelles des médecins, quel que soit l’environnement du système de santé dans lequel ils exerçaient [3].
Dans les actes du séminaire qui a conclu cette année de travail, D. Jolly rappelait la « longue marche » de l’évaluation médicale en France : les premiers groupes d’audit clinique de l’AP-HP en 1982, les rapports Papiernik (1985) et Armogathe (1989), la création de l’ANDEM (1990)… [4]
La loi hospitalière de 1991 intègre la nécessité d’une politique d’évaluation des pratiques. Pour les libéraux, la convention de 1993 mentionne pour la première fois des « références médicales opposables » (RMO) sur des bases méthodologiques très contestables. En 1996, l’ordonnance « Juppé », instaurant l’obligation de FMC, chargeait les CRFMC « d’évaluer, en liaison avec les unions des médecins exerçant à titre libéral, l’impact sur l’évolution des pratiques professionnelles des actions de formation validées » (art L367-5). Elle réaffirmait le rôle des références professionnelles, chargeant l’AFSSaPS et l’ANAES de les établir ou les actualiser (art L162-12-15) [5]
Le fait marquant dans les prémisses de ce colloque est ce qui concerne la recherche documentaire sur ce thème : la notion de « pratique professionnelle » est très difficile à cerner par des mots clés, le terme anglais utilisé dans Medline, Physician’s practice patterns recouvrant de multiples sous-thèmes : modèles, schémas, types de pratiques cliniques des médecins, attitudes diagnostiques et thérapeutiques, etc. Mais le terme lui-même n’est pas suffisant, puisqu’il faut aussi s’intéresser à ce que l’on observe ou mesure : le comportement lui-même, le contexte (diagnostique, thérapeutique, biologie, médicament, etc.), les mécanismes qui sous-tendent la décision médicale, le taux d’utilisation des ressources médicales, les indicateurs du résultat de cet ensemble complexe, par exemple sur la santé du patient, mais aussi sur les coûts de santé, la qualité des soins, la satisfaction du patient, les durée d’hospitalisation, et tant d’autres paramètres !
Un colloque de l’Ordre analysait un peu plus tard la complexité des problèmes de compétence médicale [6]. Il témoignait – une fois de plus, mais ce ne semble encore totalement pas acquis à la lecture des différents textes législatifs – de la distinction importante entre compétence et connaissance : la compétence est une capacité de mise en œuvre en situation.
La législation ne fait évidemment pas allusion à des éléments aussi complexes. Elle décline seulement une obligation de moyens pour chaque médecin de ce pays, dont il a à rendre compte une fois tous les 5 ans. Mais nous ne devons jamais perdre de vue que cette obligation correspond (surtout ?) à une demande très forte des patients et de la société sur le fond du problème, celui de la compétence médicale.
Le dispositif réglementaire initial
« L’évaluation des pratiques professionnelles peut revêtir des modalités diverses (groupe d’analyse de pratiques entre pairs, réunions de concertation pluridisciplinaire, réseaux de soins, staffs EPP…) utilisant, le cas échéant, différentes méthodes (audit clinique, chemin clinique, revue de pertinence, suivi d’indicateurs…) » [1]. Trois conditions sont requises au titre de l’EPP :
choix par le médecin d’une ou plusieurs démarches d’EPP significatives de son activité, s’inscrivant dans la durée et permettant une amélioration de ses pratiques ;
reconnaissance de l’implication du praticien concerné ;
existence d’un suivi explicite des démarches entreprises selon des modalités appropriées (critères, indicateurs, audit, bilan d’activité, …) et permettant de montrer leur impact sur les pratiques.
Actuellement, il existe deux possibilités pour le médecin de satisfaire à ses obligations d’EPP (encadré 1) :
Par l’intermédiaire des URML et CME : le 1er décret (1999) confiait l’organisation de l’EPP des médecins libéraux, individuelle ou collective, aux URML, via les médecins habilités (MH) par la HAS [6] ; celui de 2005 confie l’organisation de l’EPP des médecins hospitaliers aux Commissions médicales d’établissement (CME), via les médecins experts extérieurs à l’établissement (MEE) agréés par la HAS [7]. Dans les établissements privés, l’EPP est organisée conjointement par les URML et les CME.
Par l’intermédiaire des organismes agréés (OA) par la HAS pour l’EPP : « Les organismes agréés proposent aux médecins des programmes d’évaluation /amélioration de leurs pratiques. Ce sont des structures professionnelles, majoritairement constituées de médecins, et le plus souvent émanation de leurs sociétés savantes et collèges professionnels. Les organismes d’évaluation des pratiques professionnelles sont agréés par la Haute Autorité de santé (HAS), après avis des conseils nationaux de formation médicale continue (CNFMC) – Art. D. 4133-29. Cet agrément est accordé sur la base d’un cahier des charges qui a été élaboré conjointement par la HAS, les CNFMC, les URML, la représentation des CME et l’Ordre des Médecins. Le premier agrément est délivré pour une période de 18 mois, puis le cas échéant, reconduit pour 5 ans » [1].
Dernière mise à jour : 28/04/2024 14:56:50