Différences entre les versions de « Anorexie mentale »

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Version du 11 novembre 2012 à 17:09

Histoire naturelle

Pourquoi l'anorexie mentale est-elle potentiellement grave ?

L’anorexie mentale se caractérise par la gravité potentielle de son pronostic :

- risque de décès (suicide, complications somatiques) : il s’agit de la maladie psychiatrique qui engendre le taux de mortalité le plus élevé, jusqu’à 10 % dans les études comportant un suivi de plus de 10 ans ;

- risque de complications somatiques et psychiques nombreuses : défaillance cardiaque, ostéoporose, infertilité, dépression, suicide, etc. ;

- risque de chronicité, de rechute et de désinsertion sociale

La guérison est possible même au bout de plusieurs années d’évolution.

Niveau de la preuve : Accord professionnel.

Référence: Association française pour le développement des approches spécialisées des troubles du comportement alimentaire (AFDAS-TCA), Fédération française de psychiatrie (FFP) Unité 669 de l’Inserm, dans le cadre d’un partenariat méthodologique, logistique et financier avec la Haute Autorité de Santé (HAS). Anorexie mentale : prise en charge. Juin 2010


Pourquoi faut-il repérer précocement l'anorexie mentale ?

Le repérage et la prise en charge précoces de l’anorexie mentale sont recommandés pour prévenir le risque d’évolution vers une forme chronique et les complications somatiques, psychiatriques ou psychosociales, en particulier chez les adolescentes (grade C).

Ils permettent une information sur l’anorexie mentale et ses conséquences et facilitent l’instauration d’une véritable alliance thérapeutique avec le patient et ses proches.

Niveau de la preuve : Grade C.

Référence: Association française pour le développement des approches spécialisées des troubles du comportement alimentaire (AFDAS-TCA), Fédération française de psychiatrie (FFP) Unité 669 de l’Inserm, dans le cadre d’un partenariat méthodologique, logistique et financier avec la Haute Autorité de Santé (HAS). Anorexie mentale : prise en charge. Juin 2010


Repérage

Sur quelle population faire porter le repérage ciblé ?

Un repérage ciblé est recommandé :

- sur les populations à risque, où la prévalence est maximale :

  • adolescentes,
  • jeunes femmes,
  • mannequins,
  • danseurs et sportifs (disciplines esthétiques ou à catégorie de poids : sports valorisant ou nécessitant le contrôle du poids ; disciplines à faible poids corporel tels les sports d’endurance), notamment de niveau de compétition,
  • sujets atteints de pathologies impliquant des régimes telles que le diabète de type 1, l’hypercholestérolémie familiale etc.;

- ou en présence de signe(s) d’appel (cf. question dédiée).

Ceci concerne notamment les médecins délivrant les certificats de non-contre-indication à la pratique sportive (médecins généralistes, pédiatres, médecins du sport), les médecins scolaires, de l’université, du travail, etc. Il est à noter que les personnes atteintes de TCA consultent plus fréquemment leur médecin généraliste que la population générale dans les années précédant le diagnostic pour des plaintes somatiques diverses.

Niveau de la preuve : Accord professionnel.

Référence: Association française pour le développement des approches spécialisées des troubles du comportement alimentaire (AFDAS-TCA), Fédération française de psychiatrie (FFP) Unité 669 de l’Inserm, dans le cadre d’un partenariat méthodologique, logistique et financier avec la Haute Autorité de Santé (HAS). Anorexie mentale : prise en charge. Juin 2010


Quelles sont les questions à poser pour repérer l'anorexie mentale ?

Pour les populations à risque, il est recommandé à l’entretien de : - poser systématiquement une ou deux questions simples sur l’existence de TCA telles que : « avez-vous ou avez-vous eu un problème avec votre poids ou votre alimentation ? » ou « est-ce que quelqu’un de votre entourage pense que vous avez un problème avec l’alimentation ? » ;

- ou d’utiliser le questionnaire SCOFF-F (initialement DFTCA : définition française des troubles du comportement alimentaire, traduction française validée du SCOFF) en tête à tête avec le patient, où deux réponses positives sont fortement prédictives d’un TCA :

1. Vous faites-vous vomir parce que vous vous sentez mal d’avoir trop mangé ?

2. Vous inquiétez-vous d’avoir perdu le contrôle de ce que vous mangez ?

3. Avez-vous récemment perdu plus de 6 kg en 3 mois ?

4. Pensez-vous que vous êtes gros(se) alors que d’autres vous trouvent trop mince ?

5. Diriez-vous que la nourriture domine votre vie ?

Niveau de la preuve : Accord professionnel.

Référence: Association française pour le développement des approches spécialisées des troubles du comportement alimentaire (AFDAS-TCA), Fédération française de psychiatrie (FFP) Unité 669 de l’Inserm, dans le cadre d’un partenariat méthodologique, logistique et financier avec la Haute Autorité de Santé (HAS). Anorexie mentale : prise en charge. Juin 2010


Quels sont les signes évocateurs d'une anorexie mentale ?

Chez l’enfant (en l’absence de critères spécifiques et dès l’âge de 8 ans) : - Ralentissement de la croissance staturale - Changement de couloir, vers le bas, lors du suivi de la courbe de corpulence (courbe de l’indice de masse corporelle) - Nausées ou douleurs abdominales répétées


Chez l’adolescent (outre les changements de couloir sur la courbe de croissance staturale ou la courbe de corpulence) :

-Ralentissement de la croissance staturale

-Changement de couloir, vers le bas, lors du suivi de la courbe de corpulence (courbe de l’indice de masse corporelle)

-Nausées ou douleurs abdominales répétées

-Adolescent amené par ses parents pour un problème de poids, d’alimentation ou d’anorexie

-Adolescent ayant un retard pubertaire

-Adolescente ayant une aménorrhée (primaire ou secondaire) ou des cycles irréguliers (spanioménorrhée) plus de 2 ans après ses premières règles

-Hyperactivité physique

-Hyperinvestissement intellectuel

Chez l’adulte :

-Perte de poids > 15 %

-IMC < 18,5 kg/m2

-Refus de prendre du poids malgré un IMC faible

-Femme ayant une aménorrhée secondaire

-Homme ayant une baisse marquée de la libido et de l’érection

-Hyperactivité physique

-Hyperinvestissement intellectuel

-Infertilité

Niveau de la preuve : Accord professionnel.

Référence: Association française pour le développement des approches spécialisées des troubles du comportement alimentaire (AFDAS-TCA), Fédération française de psychiatrie (FFP) Unité 669 de l’Inserm, dans le cadre d’un partenariat méthodologique, logistique et financier avec la Haute Autorité de Santé (HAS). Anorexie mentale : prise en charge. Juin 2010


Quelles sont les particularités de l'anorexie masculine ?

L’anorexie mentale masculine (10 % des cas traités) a les particularités suivantes :

- lles formes restrictives pures sont plus rares ; l’IMC initial est plus élevé ;

- l’hyperactivité physique est plus fréquente que l’hyperinvestissement intellectuel.


Niveau de la preuve : Accord professionnel.

Référence: Association française pour le développement des approches spécialisées des troubles du comportement alimentaire (AFDAS-TCA), Fédération française de psychiatrie (FFP) Unité 669 de l’Inserm, dans le cadre d’un partenariat méthodologique, logistique et financier avec la Haute Autorité de Santé (HAS). Anorexie mentale : prise en charge. Juin 2010


Diagnostic

Quels sont les critères diagnostiques de l'anorexie mentale ?

Il est possible d’utiliser l’une des seux classifications (CIM 10 ou DSM IV).

Critères CIM-10 de l’anorexie mentale F50.0 Le diagnostic repose sur la présence de chacun des éléments suivants :

A.- Poids corporel inférieur à la normale de 15 % (perte de poids ou poids normal jamais atteint) ou index de masse corporelle de Quetelet inférieur ou égal à 17,5). Chez les patients prépubères, prise de poids inférieure à celle qui est escomptée pendant la période de croissance.

B.- La perte de poids est provoquée par le sujet par le biais d’un évitement des « aliments qui font grossir », fréquemment associé à au moins une des manifestations suivantes : des vomissements provoqués, l’utilisation de laxatifs, une pratique excessive d’exercices physiques, l’utilisation de « coupe-faim » ou de diurétiques.

C.- Une psychopathologie spécifique consistant en une perturbation de l’image du corps associée à l’intrusion d’une idée surinvestie : la peur de grossir. Le sujet s’impose une limite de poids inférieure à la normale, à ne pas dépasser.

D.- Présence d’un trouble endocrinien diffus de l’axe hypothalamo-hypophyso-gonadique avec aménorrhée chez la femme (des saignements vaginaux peuvent toutefois persister sous thérapie hormonale substitutive, le plus souvent dans un but contraceptif), perte d’intérêt sexuel et impuissance chez l’homme. Le trouble peut s’accompagner d’un taux élevé d’hormone de croissance ou de cortisol, de modifications du métabolisme périphérique de l’hormone thyroïdienne et d’anomalies de la sécrétion d’insuline.

E.- Quand le trouble débute avant la puberté, les manifestations de cette dernière sont retardées ou stoppées (arrêt de la croissance ; chez les filles, absence de développement des seins et aménorrhée primaire ; chez les garçons, absence de développement des organes génitaux). Après la guérison, la puberté se déroule souvent normalement ; les règles n’apparaissent toutefois que tardivement.

Diagnostic différentiel : le trouble peut s’accompagner de symptômes dépressifs ou obsessionnels, ainsi que de traits de personnalité faisant évoquer un trouble de la personnalité ; dans ce cas, il est parfois difficile de décider s‘il convient de porter un ou plusieurs diagnostics. On doit exclure toutes les maladies somatiques pouvant être à l’origine d’une perte de poids chez le sujet jeune, en particulier une maladie chronique invalidante, une tumeur cérébrale et certaines maladies intestinales comme la maladie de Crohn et les syndromes de malabsorption.

Critères DSM-IV-TR de l’anorexie mentale Le diagnostic repose sur la présence de chacun des éléments suivants :

A.- Refus de maintenir le poids corporel au niveau ou au-dessus d’un poids minimum normal pour l’âge et pour la taille (p. ex., perte de poids conduisant au maintien du poids à moins de 85 % du poids attendu, ou incapacité à prendre du poids pendant la période de croissance conduisant à un poids inférieur à 85 % du poids attendu).

B.- Peur intense de prendre du poids ou de devenir gros, alors que le poids est inférieur à la normale.

C.- Altération de la perception du poids ou de la forme de son propre corps, influence excessive du poids ou de la forme corporelle sur l’estime de soi, ou déni de la gravité de la maigreur.

D.- Chez les femmes post-pubères, aménorrhée c.-à-d. absence d’au moins trois cycles menstruels consécutifs (une femme est considérée comme aménorrhéique si les règles ne surviennent qu’après administration d’hormones, par exemple œstrogènes).

Type restrictif (restricting type) : pendant l’épisode actuel d’anorexie mentale, le sujet n’a pas, de manière régulière, présenté de crises de boulimie ni recouru aux vomissements provoqués ou à la prise de purgatifs (c.-à-d. laxatifs, diurétiques, lavements).

Type avec crises de boulimie/vomissements ou prise de purgatifs (binge-eating/purging type) : pendant l’épisode actuel d’anorexie mentale, le sujet a, de manière régulière, présenté des crises de boulimie et/ou recouru aux vomissements provoqués ou à la prise de purgatifs (c.-à-d. laxatifs, diurétiques, lavements).

Niveau de la preuve : Accord professionnel.

Référence: Association française pour le développement des approches spécialisées des troubles du comportement alimentaire (AFDAS-TCA), Fédération française de psychiatrie (FFP) Unité 669 de l’Inserm, dans le cadre d’un partenariat méthodologique, logistique et financier avec la Haute Autorité de Santé (HAS). Anorexie mentale : prise en charge. Juin 2010


Quels sont les signes anthropomorphiques à suivre ?

Il est recommandé

- de suivre systématiquement les courbes de croissance en taille, poids et corpulence chez les enfants et adolescents pour identifier toute cassure des courbes et calculer leur l’indice de masse corporelle (IMC) ;

- de calculer et suivre l’IMC chez les adultes.

Niveau de la preuve : Accord professionnel.

Référence: Association française pour le développement des approches spécialisées des troubles du comportement alimentaire (AFDAS-TCA), Fédération française de psychiatrie (FFP) Unité 669 de l’Inserm, dans le cadre d’un partenariat méthodologique, logistique et financier avec la Haute Autorité de Santé (HAS). Anorexie mentale : prise en charge. Juin 2010


Quels sont les objectifs des premières consultations ?

En l’absence de signes de gravité immédiate, les objectifs des premières consultations doivent être une confirmation du diagnostic, une information sur l’anorexie mentale et la recherche d’une alliance thérapeutique.

- Confirmation du diagnostic Les premiers échanges sont cruciaux et déterminent la prise en charge ultérieure. Il est recommandé d’adopter une attitude empathique, authentique, chaleureuse et professionnelle pour permettre au patient d’exprimer les signes susceptibles de conforter le diagnostic d’anorexie mentale (et, avec son accord, avec l’aide de sa famille et de son entourage) :

· préoccupations nouvelles pour ce qui a trait à l’alimentation ;

· préoccupations excessives autour de l’image du corps ;

· conduites de restriction alimentaire : comptage des calories, tri alimentaire, exclusions alimentaires, évitement des repas, dissimulation de nourriture ;

· conduites de purge : vomissements provoqués, recours aux laxatifs ou aux diurétiques ;

· hyperactivité physique, hyperinvestissement scolaire ou professionnel.

Ces éléments ne sont pas toujours tous présents mais l’existence de plusieurs d’entre eux associée à une perte de poids importante doit faire évoquer un TCA. Il est alors recommandé de confirmer le diagnostic d’anorexie mentale par la présence de chacun des critères diagnostiques d’une des classifications internationales (CIM-10 et DSM-IV-TR ; voir question spécifique).

L’absence d’au moins un critère diagnostique révèle une anorexie mentale subsyndromique.

Lorsque le diagnostic d’anorexie mentale est établi, il est recommandé de pratiquer un examen clinique complet à la recherche de signes de gravité (voir question spécifique, et dans la perspective d’aider le patient à prendre conscience du retentissement global de sa conduite. Un électrocardiogramme, un ionogramme sanguin et un hémogramme sont recommandés lors de la prise en charge initiale.

Information du patient et recherche d’alliance


Il est recommandé : · de nommer la maladie avec tact et sans stigmatisation et de souligner qu’elle est un mode d’adaptation comportementale à un mal-être pré-existant ; · d’affirmer d’emblée que cette maladie peut devenir chronique, avec des conséquences potentiellement graves à court et long terme et nécessite des soins médicaux et psychiques ;

· d’expliquer l’objectif des soins : restauration du poids indispensable, avec un objectif de guérison plus large comprenant une dimension psychologique, sociale et relationnelle. Le déni des troubles est un obstacle à la prise en charge fréquent et important ; l’entourage comme le soignant peuvent y participer. Il est prioritaire d’instaurer une relation de qualité entre le praticien, le patient et l’entourage pour l’établissement d’une alliance thérapeutique.

Rôle du praticien de premier recours

Après le repérage, selon sa compétence et ses capacités à établir une alliance thérapeutique, le médecin de premier recours peut se positionner en médecin coordinateur des différents intervenants ou orienter le patient vers un autre confrère pour une prise en charge spécifique.


Niveau de la preuve : Accord professionnel.

Référence: Association française pour le développement des approches spécialisées des troubles du comportement alimentaire (AFDAS-TCA), Fédération française de psychiatrie (FFP) Unité 669 de l’Inserm, dans le cadre d’un partenariat méthodologique, logistique et financier avec la Haute Autorité de Santé (HAS). Anorexie mentale : prise en charge. Juin 2010


Quelle est la place des soins ambulatoire ?

Selon les moments et la gravité, les prises en charge peuvent se dérouler au travers de soins ambulatoires plus ou moins intensifs et/ou en hospitalisation.

  • Il est recommandé que toute prise en charge soit initialement ambulatoire, sauf en cas d’urgence somatique ou psychiatrique.
  • Il est recommandé de veiller à la cohérence et à la continuité de ces soins dans la durée entre les différentes étapes de la prise en charge et entre les différents intervenants. En particulier, il

est recommandé en cas d’hospitalisation que

· les soins hospitaliers soient relayés par des soins ambulatoires, soit séquentiels, soit en hôpital de jour, soit en consultation au minimum, car les patients ne sortent pas guéris ;

· l’équipe soignante de l’hospitalisation remette en place les soins ambulatoires antérieurs ou organise un nouveau suivi pluridisciplinaire. Pour cela des échanges téléphoniques doivent être réalisés au cours de l’hospitalisation, des réunions de synthèse entre les partenaires d’amont et d’aval sont indispensables et l’envoi rapide du compte rendu d’hospitalisation est nécessaire. Le patient et son entourage doivent être associés à l’organisation des soins.

  • Quel que soit le niveau de soin, il est recommandé d’adapter le cadre à l’âge du patient, exigeant une attention particulière envers les besoins éducatifs et sociaux des enfants et des

adolescents, afin d'éviter les pertes de chance quant à leur avenir.

Niveau de la preuve : Accord professionnel.

Référence: Association française pour le développement des approches spécialisées des troubles du comportement alimentaire (AFDAS-TCA), Fédération française de psychiatrie (FFP) Unité 669 de l’Inserm, dans le cadre d’un partenariat méthodologique, logistique et financier avec la Haute Autorité de Santé (HAS). Anorexie mentale : prise en charge. Juin 2010