Dénutrition des personnes âgées
Que faire devant une perte de poids chez une personne âgée (PA)?
La recherche de la cause et l’évaluation de l’importance de la dénutrition conditionnent la stratégie de prise en charge.
Une malnutrition sévère est définie par l’association d’un ou plusieurs des éléments suivants:
- Perte de poids ≥ 10% en un mois ou ≥ 15% en 6 mois.
- BMI<18
- Sérum albumine < 30g/l.
Associée à une aggravation de la morbidité et de la mortalité elle requière une prise en charge nutritionnelle rapide et dans un premier temps:
- Correction des éventuels facteurs de risque identifiés;
- Aide technique et humaine pour la préparation et au cours des repas;
- Vérification de l’état bucco-dentaire et soins éventuellement nécessaires;
- Réévaluation des traitements et régimes en cours;
- Prise en compte des maladies sous-jacentes.
L’objectif est d’obtenir un apport énergétique de 30 à 40 kcal/kg/jour et un apport de protéines de 1,20g à 1,50 g/kg/jour. Ces besoins sont susceptibles de varier d’un individu à un autre et en fonction du contexte pathologique.
En dehors de l’administration de calcium et vitamine D la prescription de micronutriments et complexes vitaminés n’a pas fait la preuve d’un bénéfice et n’est pas recommandée en dehors de déficiences connues.
Références
Qualité de la preuve : niveau 3
Mots clés : personne âgée – malnutrition – [elderly – malnutrition]
Comment favoriser une augmentation des apports alimentaires ?
A part des contre-indications à une alimentation par voie orale la mesure prioritaire consiste, après évaluation des apports spontanés, en des conseils diététiques et des aliments fortement énergétiques avec si possible le concours de diététicienne.
- Chaque jour:
- 2 portions de viande, poisson ou Å“ufs.
- 3 ou 4 portions de lait ou produits laitiers.
- Pain ou céréales ou pommes de terre ou féculents à chaque repas.
- Au moins 5 portions de fruits et légumes
- 1l à 1,5l d’eau ou autre boisson (thé, infusions, jus de fruits..) et boire avant d’avoir soif.
- Augmenter la fréquence des repas en fractionnant les prises.
- S’assurer que la PA mange au moins trois fois par jour en proposant des collations entre les repas.
- Ne pas laisser une période de jeûne > 12 heures en retardant si besoin l’heure du dîner et anticipant celle du petit déjeuner. Si besoin proposer une collation entre les deux.
Proposer des aliments fortement énergétiques ou à forte teneur en protéines.
Composer des menus qui tiennent compte des préférences du patient et de ses capacités de mastication et salivation.
Prévoir une présentation et un environnement agréable.
Apporter les aides techniques et/ou humaines nécessaires compte tenu du handicap éventuel.
Des suppléments nutritionnels seront donnés dans un second temps en cas d’inefficacité de ces mesures ou de dénutrition sévère (Grade C).
Références
Qualité de la preuve : niveau 3
Mots clés personne âgée – malnutrition – conseils nutritionnels [elderly – malnutrition – dietary advice]
Comment enrichir l’alimentation ?
L’enrichissement a pour objectif d’augmenter l’apport énergétique et en protéines des aliments sans en augmenter le volume.
Les aliments habituels sont enrichis avec des produits tels que poudre de lait, lait concentré sucré, fromage rappé, crème fraîche, œufs, beurre fondu, huile ou poudres protéinées industrielles.
Des pâtes et semoules protéinées sont également disponibles ainsi que des repas complets mixés prêts à l’emploi certains pouvant être pris en charge dans le cadre de la liste des produits remboursables (LPPR) pour des pathologies spécifiquement définies (SIDA, cancer, pathologie neurodégénérative, mucoviscidose, épidermolyse bulleuse).
Modalités pratiques d'enrichissement.
Références
Qualité de la preuve : niveau 3
Mots clés personne âgée – malnutrition – aliments enrichis [elderly – malnutrition –fortified foods]
Comment prescrire des compléments nutritionnels oraux (CNO) ?
La préférence doit être donnée à des produits à forte valeur énergétique (≥ 1,5 kcal/ml ou /g) et/ou à forte teneur en protéines (≥ 7,0 g/100 ml ou ≥ 20% de la teneur énergétique globale).
La Complémentation nutritionnelle orale (CNO) répond à un double objectif : éviter de recourir à la nutrition entérale, beaucoup plus astreignante, et ne pas entrer dans la spirale de la dénutrition. Il existe des CNO de différentes saveurs, avec ou sans lactose, sous forme liquide ou de crème, comprenant des produits laitiers, des desserts, des potages, des plats complets, des jus de fruits, etc..
De façon pratique les CNO doivent :
- être consommés en tant que collations ou au cours des repas. Dans ce cas ils doivent être pris en supplément et non à la place du repas.
- correspondre à un apport de 400 kcal et ou 30 g de protéines/ jour en 2 prises.
- correspondre aux goûts du patient en matière de saveur et consistance, être diversifiés et tenir compte de ses capacités (déglutition, préhension….)
- servis à température convenable. Les aliments sucrés sont généralement préférés froids. Ceux à consommer chaud peuvent être réchauffés au bain marie ou au micro ondes.
- après ouverture ils peuvent être conservés 2h à température ambiante ou 24h au réfrigérateur.
La première prescription est faite pour une période maximum d’un mois. Les prescriptions suivantes peuvent être faites pour des périodes trois mois après réévaluation portant sur :
- Le poids et le statut nutritionnel.
- L’état clinique.
- L’estimation de l’alimentation naturelle.
- La tolérance des CNO et la compliance aux prescritions.
Références
[3] Assurance maladie. Complémentation nutritionnelle orale. (CNO).
Qualité de la preuve : niveau 3
Mots clés personne âgée – malnutrition – compléments nutritionnels oraux [elderly – malnutrition – oral nutritional supplements]
Quand faut-il envisager une alimentation entérale ?
L’objectif nutritionnel prioritaire chez une personne âgée en fin de vie doit être le plaisir et le confort. Le recours à une alimentation entérale n’est indiqué qu’après échec des CNO en première intention ou en cas de sévères troubles de la déglutition ou de malnutrition sévère avec ingestion alimentaire faible.
Les sujets âgés fragiles sont susceptibles de bénéficier d’une alimentation entérale par sonde naso-gastrique ou de gastrostomie à condition que leur état soit stable et pas en phase terminale d’une pathologie.
Chez les malades avec troubles de la déglutition la prévention des pneumopathies de déglutition par nutrition entérale par sonde n’est pas prouvée. Il est recommandé d’utiliser plutôt une sonde de gastrostomie.
Le consentement du patient et de ses proches doit être obtenu après information précise sur la méthode et les bénéfices attendus.
La nutrition entérale doit être débutée à l’occasion d’un court séjour de quelques jours à l’hôpital pour s’assurer de la bonne mise en place de la sonde, de la tolérance et l’entrainement du patient. Elle peut ensuite être poursuivie à domicile. La première prescription peut être faite pour 14 jours avec ensuite des renouvellements par périodes de 3 mois après à chaque fois réévaluation:
- Du poids et du statut nutritionnel.
- De l’état clinique.
- De la tolérance et de la compliance.
- Des ingestats par voie naturelle quand ils sont possibles.
Références:
Qualité de la preuve : niveau 3
Mots clés : personne âgée – malnutrition – nutrition entérale [elderly – malnutrition – enteral nutrition]
Que proposer pour un patient dénutri souffrant de maladie d’Alzheimer ou maladie apparentée ?
La prise en charge nutritionnelle dépend du stade de la maladie et de la dépendance. La voie orale doit être privilégiée.
La dénutrition d’un patient souffrant de maladie d’Alzheimer peut avoir diverses origines : la diminution de l’appétit, une augmentation des dépenses (déambulation), des troubles de déglutition ou la maladie elle même.
Des CNO sont proposés devant une brutale perte de poids, notamment en rapport avec une pathologie intercurrente, une rupture dans l’environnement social. Ils permettent d’améliorer l’état nutritionnel, le poids et le BMI, mais restent sans effet significatif sur les fonctions cognitives, la mortalité, les chutes, les infections.
La nutrition entérale n’est pas recommandée en raison du risque important de complications vitales et d’un bénéfice non évident.
Références:
Qualité de la preuve: niveau 3
Mots clés: personne âgée – malnutrition – maladie d’Alzheimer [elderly – malnutrition – Alzheimer’s disease]