Addictions : alcool
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Quel est l’état de la consommation d’alcool en France et dans le monde ?
Une consommation excessive d’alcool a des conséquences sanitaires et sociales importantes, responsable de 40 000 décès par an en France avec un coût de 118 milliards d’euros / an [1,2].
De nouveaux repères de consommation d’alcool pour limiter les risques pour la santé ont été proposés en 2017 par un groupe d’experts mandatés par Santé Publique France et l’Institut National du Cancer (INCa) : pas plus de 10 verres standard par semaine et pas plus de 2 verres standard par jour [3]. En 2020 en France 23,7% de la population âgée de 18 à 75 ans dépassaient ces repères pour une consommation à moindre risque, davantage les hommes (33,2%) que les femmes (14,7%) sans évolution significative entre 2017 et 2020.
Parmi les hommes dépassant les repères 47,7% n’avaient aucun diplôme ou un diplôme inférieur ou égal au baccalauréat, 25,6% avaient un revenu mensuel parmi les plus bas, 57,6% avaient un emploi et 9,4% étaient au chômage. Chez les femmes ces mêmes caractéristiques étaient respectivement de 33,4%, 26,2%, 59,2% et 7,2% [1].
En 2014 dans l’enquête HBSC (Health Behaviour in school-Aged Children), malgré une baisse par rapport à 2010, l’alcool se révélait être la substance psychoactive la plus fréquemment expérimentée par les jeunes. Un élève sur deux en classe de 6e a déjà consommé au moins une fois des boissons alcoolisées et le niveau des collégiens déclarant avoir déjà connu des états d’ivresse passe de 5% en classe de 6e à 28,1% en 3e [4].
Dans une revue systématique [5] concernant la consommation d’alcool dans 195 pays différents en 2016, 32,5% des personnes, soit 2,4 milliards, étaient des buveurs habituels. Globalement la quantité moyenne d'alcool consommée était de 0,73 (IC 95 % 0,68–0,78) verres standard par jour pour les femmes et de 1,7 (1,5–1,9) verres standard par jour pour les hommes. La consommation d’alcool variait considérablement selon les lieux, et les conditions sociodémographiques. La prévalence était plus forte dans les lieux aux conditions sociodémographiques élevées comparativement aux localités aux conditions sociodémographiques les plus faibles.
Les différences entre les sexes concernant la prévalence de consommation d’alcool variaient également selon les conditions sociodémographiques : importante dans les régions aux faibles ressources (1,5% [1,2-1,9] et 21% [17-25] respectivement chez les femmes et les hommes au Népal) et peu marquée dans les régions aux ressources plus élevées (86% [84-88] et 87% [85-89] chez les femmes et les hommes en Suède).
Une consommation d’alcool au-delà des repères pour limiter les risques pour la santé concerne toutes les catégories sociales à tous les âges et aussi bien les femmes que les hommes avec toutefois une surreprésentation des personnes ayant des revenus élevés. 25% des adultes dépassent les repères de consommation [1,6].
Références :
[6] INSERM. Alcool & Santé. Lutter contre un fardeau à multiples visages. 25/10/2021.
Qualité de la preuve : Grade 3
Mots clés : consommation d’alcool [alcohol drinking]
Quels sont les effets de l’alcool sur la santé ?
La consommation d’alcool est la première cause d’hospitalisation en France
Les derniers chiffres concernant la mortalité attribuable à l’alcool en France sont ceux de 2015. Bien que la consommation d’alcool ait beaucoup diminué depuis les années 50 on estime que 7% des décès chez les personnes de plus de 15 ans sont attribuables à l’alcool sur un total de 580 000 décès [1,2] dont 41 000 hommes et 30 000 femmes. Cela représente 16 000 décès par cancers, 9 900 par maladies cardiovasculaires, 6 800 par maladies digestives, 5 400 par accident ou suicide et 3 000 pour maladie mentale, troubles du comportement et autres maladies.
La fraction attribuable aux diverses pathologies liées à l’alcool représente 15% des décès chez les 35-64 ans contre moins de 8 % pour les autres âges [1].
1% des décès attribuables à l’alcool (hors causes externes) sont attribuables à une consommation modérée entre 7 et 18 g d’alcool pur par jour et 90% à des consommations supérieures à 53 g/jour.
Références:
[2] INSERM. Alcool & Santé. Lutter contre un fardeau à multiples visages. 25/10/2021.
Qualité de la preuve : Grade 3
Mots clés : consommation d’alcool ; comportements à risque pour la santé [alcohol drinking ; health risk behaviors]
Quelle relation avec la cirrhose du foie ?
Le foie est la principale cible des effets toxiques de l’alcool [1].
Dans une revue systématique de 7 études de cohorte et 2 études cas témoin [2] sur 2 629 272 participants et 5 505 cas de cirrhose du foie, comparativement aux non-buveurs, la consommation d’un verre par jour augmentait le risque chez la femme mais pas chez l’homme. Au-delà de 5 verres le risque relatif (RR) pour 5 à 6 verres était de 12,44 (6,65-23-27) et 3,80 (0,85-17-02) respectivement chez la femme et chez l’homme. Pour 7 verres ou plus le RR était 24,58 (14,77-40,90) et 6,83 (1,07-44,99).
Une étude de cohorte écossaise montrait une interaction entre consommation d’alcool et IMC dans le développement d’une cirrhose du foie en particulier pour une consommation > 150g/semaine et un IMC > 30.
L’effet de l’association d’un tabagisme à la consommation d’alcool sur le développement d’une cirrhose n’est pas clair.
Des méta-analyses concernant l’effet de l’association d’une consommation de café montrent systématiquement une diminution du risque.
La consommation d’alcool est un risque majeur pour le foie avec une augmentation exponentielle du risque les femmes étant encore plus vulnérables ainsi que les personnes en surcharge pondérale.
Références:
[1] INSERM. Alcool & Santé. Lutter contre un fardeau à multiples visages. 25/10/2021.
Qualité de la preuve : Grade 3
Mots clés : consommation d’alcool ; cirrhose du foie [alcohol drinking ; liver cirrhosis]
Quelle relation avec les accidents vasculaires cérébraux ?
Il existe une relation complexe entre la consommation d’alcool, le genre et le type d’AVC ischémique ou hémorragique [1].
Dans une revue systématique et méta-analyse de 17 études de cohortes (nombre de sujets de 1621 à 107 137 selon les études) et 9 études cas contrôle (n= 82 à 677 et 153 à 1139 cas contrôle) avec un suivi de 4 à 30 ans [2] :
AVC hémorragiques : il existe une relation positive entre la consommation d’alcool et le risque de mortalité par AVC hémorragique indépendamment du sexe.
Comparativement aux non-buveurs pour une consommation de 96 g d’alcool pur par jour (8 verres standard) RR 1,94 (1,56-2,40) et 4,50 (2,47-8,20) respectivement pour les hommes et les femmes.
Concernant la morbidité le risque augmente de façon linéaire chez l’homme et selon une courbe en J chez la femme avec un effet protecteur d’une consommation modérée (nombre de sujets de 1621 à 107 137) le nadir correspondant à < 1 verre /jour.
AVC ischémiques : contrairement aux AVC hémorragiques il existe une association non linéaire mais une courbe en J dans les deux sexes. Comparativement aux sujets abstinents le RR est minimum (0,86 ; 0,81-0,93) pour moins de 12g ou un verre/ jour dans les deux sexes.
Concernant la morbidité, pour 12 verres / jour le RR est de 1,60 (1,38-1,86) et 2,15 (1,62-2,86) respectivement chez l’homme et la femme.
De toute évidence pour réduire le risque d’accident vasculaire cérébral toute consommation excessive d’alcool doit être évitée [2].
Références:
Qualité de la preuve : Grade 3
Mots clés : consommation d’alcool ; accident vasculaire cérébral [alcohol drinking ; stroke].
Quelle relation entre alcool et cancer ?
L’alcool représente la deuxième cause évitable de mortalité par cancer responsable chaque année de 28 000 nouveaux cas [1].
Dans une méta-analyse de 572 études [2] 486 538 cas de cancer ont été identifiés. Il existait une relation dose risque claire avec un risque relatif (RR) pour les gros buveurs, comparativement aux buveurs occasionnels de 5,13 pour les cancers de la bouche et du pharynx, 4,95 pour le carcinome épidermoïde de l'œsophage, 1,44 pour le colorectal, 2,65 pour le laryngé et 1,61 pour le cancer du sein.
Les gros buveurs présentaient également un risque significativement plus élevé de cancer de l'estomac (1,21), du foie (2,07), de la vésicule biliaire (2,64), du pancréas (1,19) et du poumon (1,15). Il y avait des indications d'une association positive entre la consommation d'alcool et le risque de mélanome et de cancer de la prostate. Par contre la consommation d’alcool était inversement associée au risque de lymphomes hodgkiniens et non hodgkiniens.
Dans une méta-analyse de 24 études [3] incluant 9 990 cas de cancers de la thyroïde, il y avait une relation inverse entre la consommation d’alcool et le cancer de la thyroïde. Comparativement aux non-buveurs le RR était de 0,80 (0,71-0,90) pour les buveurs, 0,81 (0,70-0,93) et 0,71 (0,63-0,79) respectivement pour les buveurs légers et modérés.
Une consommation même faible est associée à une augmentation du risque de cancer du sein. Une étude britannique sur plus de 28 000 femmes présentant un cancer du sein suggère que chaque dose de 10 g d’alcool (1 verre) /jour augmente de 12% le risque de cancer du sein [1,4].
Environ 8 % de tous les nouveaux cas de cancer sont liés à l’alcool, et ce, quel que soit le niveau de consommation d’alcool, y compris faible à modéré.
Références:
[1] INSERM. Alcool & Santé. Lutter contre un fardeau à multiples visages. 25/10/2021.
Qualité de la preuve : Grade 3
Mots clés: consommation d’alcool; cancers [alcohol drinking; neoplasms].
Qu’est-ce que le “French paradox” ?
Contrairement à ce qui a longtemps été entendu, une faible consommation d’alcool n’est pas bénéfique pour la santé [1].
Les effets prétendument protecteurs d’une consommation d’alcool modérée – le célèbre french paradox – ne sont que le reflet de problèmes méthodologiques dans les études qui en ont suggéré l’existence en particulier dus à la présence de nombreux facteurs de confusion.
En les comparant aux études classiques les études récentes utilisant de nouvelles méthodologies comme la randomisation mendélienne démontrent sur les mêmes populations la disparition des courbes en « J » qui deviennent linéaires et donc la disparition d’un effet protecteur [2].
Les recherches sur le seuil de consommation d’alcool à partir duquel un risque significatif de mortalité liée à l’alcool toute cause apparaît, convergent vers le seuil de 10 verres par semaine, soit moins de 1,5 verre par jour. Les connaissances scientifiques permettent de définir des repères qui limitent les risques encourus :
- Ne pas consommer plus de 10 verres par semaine.
- Ne pas consommer plus de 2 verres par jour.
- Ne pas boire d’alcool au moins 2 jours par semaine.
Le niveau de consommation pour lequel le risque de dommages est minimal est de zéro verre standard par semaine [2].
Le « French paradox » n’existe pas : consommer de petites quantités d’alcool n’est pas bénéfique. Il y a un risque dès le premier verre [1,2]
Références:
[1] INSERM. Alcool & Santé. Lutter contre un fardeau à multiples visages. 25/10/2021.
Qualité de la preuve : Grade 3
Mots clés : consommation d’alcool ; minimisation des conséquences [alcohol drinking ; harm minimization].
Repérage
Comment évaluer un mésusage d’alcool?
Le questionnaire AUDIT (Alcohol-Use Disorders Identification Test) est un autoquestionnaire qui s’intéresse aux 12 derniers mois écoulés et qui concerne donc les problèmes d’alcool actuels. Il comprend 10 items, cotés de 0 à 4. Un score ≥ 8 chez l’homme et ≥ 7 chez la femme est évocateur d’un mésusage d’alcool. Un score > 12 chez l’homme et > 11 chez la femme est en faveur d’une dépendance à l’alcool.
Ces scores doivent encore être validés en France.
Niveau de preuve: accord professionnel.
Comment stratifier une consommation d'alcool ?
Usage : toute conduite d’alcoolisation ne posant pas de problème pour autant que la consommation reste modérée, inférieure ou égale aux seuils définis par l’OMS, et prise en dehors de toute situation à risque ou d’un risque individuel.
Usage à risque : toute conduite d’alcoolisation où la consommation est supérieure aux seuils proposés par l’OMS et non encore associée à un quelconque dommage médical, psychique ou social, mais susceptible d’en induire à court, moyen et/ou long terme. L’usage à risque inclut également les consommations égales ou même inférieures aux seuils de l’OMS s’il existe une situation à risque et/ou un risque individuel.
Usage nocif : toute conduite d’alcoolisation caractérisée par 1) l’existence d’au moins un dommage d’ordre médical, psychique ou social induit par l’alcool, et 2) l’absence de dépendance à l’alcool. Cette définition fait référence aux conséquences et non pas aux seuils de consommation qui peuvent être inférieurs aux seuils de l’usage à risque dès lors que certains dommages sont constitués.
Usage avec dépendance : toute conduite d’alcoolisation caractérisée par une perte de la maîtrise de sa consommation par le sujet. L’usage avec dépendance ne se définit ni par rapport à des seuils de consommation, ni par l’existence de dommages induits qui néanmoins sont souvent associés.
Les seuils proposés par l’OMS sont les suivants :
- jamais plus de 4 verres par occasion pour l’usage ponctuel ;
- pas plus de 21 verres par semaine pour l’usage régulier chez l’homme (3 verres par jour en moyenne) ;
- pas plus de 14 verres par semaine pour l’usage régulier chez la femme (2 verres par jour en moyenne).
Le terme « verre » désigne ici le « verre standard » ou « unité internationale d’alcool », qui correspond en moyenne à environ 10 grammes d’alcool pur.
L’OMS recommande également de s’abstenir au moins un jour par semaine de toute consommation d’alcool.
Ces seuils n’assurent pas avec certitude l’absence de tout risque, mais sont un compromis entre, d’une part, un risque considéré comme acceptable individuellement et socialement, et, d’autre part, la place de l’alcool dans la société et les effets considérés comme positifs de sa consommation modérée.
Niveau de preuve: accord professionnel.
A quel stade de changement se situe le patient ?
Il apparaît essentiel chez tout patient à un moment donné de préciser son niveau de motivation. Le modèle le plus utilisé est celui de Prochaska : il propose six stades de changement :
- la pré-intention : la personne n’envisage pas de changer son comportement dans les six prochains mois ;
- l’intention : la personne envisage de modifier ses habitudes dans un avenir relativement proche, elle pèse le pour et le contre ;
- la préparation : la décision est prise et la personne se prépare au changement ;
- l’action : la personne modifie ses habitudes, c’est la période la plus délicate où le risque de rechute est le plus important ;
- le maintien : il s’agit d’éviter les rechutes ;
- la résolution : la personne n’a plus la tentation de revenir à la situation antérieure, même si elle se trouve dans des conditions défavorables. Une étude auprès d’anciens fumeurs et d’anciens alcooliques a montré que moins de 20% des personnes de chaque groupe avaient atteint ce stade. Cette étape semble un idéal pour beaucoup de patients, mais un objectif réaliste est de rester au stade de maintien.
Niveau de preuve: Grade B.
Que ne faut-il pas oublier lors de la prise en charge d'un patient alcoolodépendant ?
Penser à l’entourage famlial lors de la prise en charge d’un patient alcoolodépendant.
Niveau de preuve: accord professionnel.
Information du patient
Comment informer le patient dépendant de l'alcool ?
Le jury recommande la création et la remise commentée, avant le sevrage, d’un livret comportant des informations sur :
- la maladie alcoolique ;
- le sevrage ;
- l’intérêt de l’accompagnement et du suivi ;
- les coordonnées des acteurs et des contacts présents dans ces dispositifs.
Niveau de preuve: accord professionnel.
Prise en charge
Quels sont les principes généraux de la prise en charge médicamenteuse du sevrage alcoolique?
La prescription médicamenteuse ne doit pas occulter l’importance fondamentale de la prise en charge psychologique et sociale. Les mouvements d’entraide doivent être impliqués dès le temps du sevrage.
Les BZD sont les médicaments de première intention du traitement préventif du syndrome de sevrage. La durée du traitement par BZD, prescrites à doses dégressives, ne doit pas excéder 7 jours sauf complication. La prescription personnalisée est à développer. Elle peut être aidée par l’usage des échelles d’évaluation de la sévérité des symptômes, à valider en français. L’hydratation doit être orale chez le malade conscient. La thiamine doit être prescrite systématiquement de façon préventive (par voie parentérale en cas de signes cliniques de carence).
Niveau de preuve: accord professionnel.
Quelles sont les contre-indications à un sevrage alcoolique ambulatoire?
Le sevrage ambulatoire est plus accessible mais comporte des contre-indications :
- alcoologiques : dépendance physique sévère ; antécédents de delirium tremens ou de crise
convulsive généralisée ; échec d’un essai sincère d’un sevrage ambulatoire ;
- somatiques : affection somatique sévère justifiant une hospitalisation ;
- psychiatriques : syndrome dépressif ou autre pathologie psychiatrique sévère associée ;
dépendance associée à certains produits psycho-actifs ;
- socio-environnementales : demande pressante de l’entourage familial ou professionnel ; entourage non coopératif ; processus avancé de désocialisation.
Selon les critères des études et les caractéristiques des malades, de 10 à 30 % des malades sont exclus du sevrage ambulatoire.
Niveau de preuve: accord professionnel.
Quels médicaments utiliser dans l'accompagnement au sevrage alcoolique ?
- Médicaments visant à réduire l’appétence pour l’alcool
Deux produits appartiennent à cette catégorie : l’acamprosate et la naltrexone. L’efficacité a été démontrée, mais s’avère modérée, voire controversée, y compris chez les sujets compliants. En l’absence d’études comparatives, il est impossible de déterminer l’efficacité relative et la place de chaque produit.
- Acamprosate La durée du traitement recommandée par l’AMM est de 1 an à la posologie de 6 comprimés par jour, pour un poids supérieur à 60 kg et de 4 comprimés pour un poids inférieur à 60 kg. Quelques études randomisées ont montré à 3 mois et à 1 an un effet positif. Les effets indésirables sont limités. La diarrhée en est le principal ; elle est dose dépendante. Il n’y a pas de caractère prédictif d’un sous-groupe de patients répondeurs.
- Naltrexone La durée du traitement recommandée par l’AMM est de 3 mois. Rien ne permet de déterminer la durée optimale du traitement. La posologie est de 1 comprimé par jour. Les effets indésirables les plus fréquemment rencontrés sont des nausées et des céphalées. La naltrexone ne doit jamais être utilisée chez des sujets en état de dépendance aux opiacés. Deux études randomisées contre placebo ont démontré une efficacité en termes d’amélioration d’abstinence en réduisant l’envie compulsive de boire (craving). Médicament à effet antabuse
- Disulfirame Il n’y a pas d’indication pour l’induction volontaire, par le thérapeute, de crises aversives, et cette pratique ne saurait être recommandée. Son utilisation provoque chez le sujet consommant de l’alcool, une réaction très désagréable, faite de sensations de malaises avec anxiété et troubles neuro-végétatifs. Des réactions graves ont été décrites pouvant aller jusqu’au coma, au collapsus cardiovasculaire, voire au décès. Lors du traitement, des complications graves comme des hépatites fulminantes, des réactions neuropsychiatriques, des névrites optiques et des neuropathies ont été décrites. Le nombre d’études contrôlées est faible, elles ne plaident pas en faveur de son utilisation dans le maintien de l’abstinence. Par contre, la consommation d’alcool, à la fois en quantité et en fréquence, est moindre chez les patients qui font l’expérience d’une réaction antabuse. La prise de position par rapport au traitement antabuse est plus complexe qu’il n’y paraît. La littérature livre peu d’arguments en faveur de son efficacité. Il ne fait plus partie du traitement de première intention, compte tenu du rapport bénéfices-risques défavorable et doit être réservé à des traitements ponctuels dans des situations ciblées.
Niveau de preuve : Accord professionnel.
Référence : ANAES Objectifs, indications et modalités du sevrage du patient alcoolodépendant. 2001.
Comment prescrire les benzodiazépines lors d’un sevrage alcoolique?
La voie orale doit être préférentiellement utilisée. La voie parentérale est réservée aux formes sévères mais impose des conditions de soins attentifs (risque de défaillance cardiorespiratoire). Trois schémas de prescription sont possibles :
- la prescription de doses fixes réparties sur 24 heures : diazépam un comprimé à 10 mg toutes les 6 heures pendant un à trois jours puis réduction en quatre à sept jours et arrêt, ou 6 comprimés à 10 mg de diazépam le premier jour et diminution d’un comprimé par jour jusqu’à arrêt ; cette stratégie est recommandée en ambulatoire,
- la prescription personnalisée guidée par une échelle d’évaluation de la sévérité des symptômes nécessitant l’intervention régulière de l’équipe soignante. Elle permet de réduire significativement la dose nécessaire et la durée du traitement en gardant la même efficacité,
- l’utilisation d’une dose de charge orale d’une BZD à demi-vie longue : 20 mg de diazépam toutes les heures ou toutes les deux heures jusqu’à sédation et arrêt dès le premier jour. L’élimination progressive de la molécule permet une couverture prolongée sans risque d’accumulation.
D’autres BZD que le diazépam peuvent être utilisées avec une efficacité analogue : il est estimé que 10 mg de diazépam équivalent à 30 mg d’oxazépam, 2 mg de lorazépam, 1 mg d’alprazolam, et 15 mg de chlorazépate. La prescription de BZD au-delà d’une semaine ne se justifie qu’en cas de dépendance aux BZD associée à la dépendance alcoolique.
Niveau de preuve : Accord professionnel.
Référence : ANAES Objectifs, indications et modalités du sevrage du patient alcoolodépendant. 2001.
Quels sont les traitements d'appoint aux benzodiazépines dans le sevrage alcoolique
- Autres psychotropes
- le méprobamate a été très employé en France. Son action n’a cependant pas été démontrée dans des études contrôlées. Il n’a pas d’activité anti-comitiale propre et son risque létal en cas d’intoxication volontaire est important,
- le tétrabamate est l’association d’un carbamate et de phénobarbital. Il a une efficacité comparable aux benzodiazépines sur l’intensité du syndrome de sevrage. Il paraît plus efficace sur les tremblements ; son efficacité anti-comitiale est moins bien documentée que celle des BZD. Il présente surtout une toxicité hépatique parfois grave,
- les barbituriques ont une efficacité démontrée (uniquement pour ceux de longue durée d’action), mais exposent aux risques de dépression respiratoire. Ils ont un profil de tolérance inférieur à celui des benzodiazépines,
- les neuroleptiques dont le tiapride ont une activité moindre que les BZD. Leur tolérance est également moins bonne et ils sont potentiellement épileptogènes. Leur prescription n’est à envisager qu’en cas d’accident de sevrage, - le clométiazole, non disponible en France, est d’efficacité démontrée mais d’utilisation moins sûre que les BZD. Les traitements associés
· Les béta-bloquants et la clonidine diminuent les signes d’hyperactivité adrénergique de sevrage mais n’apportent pas de protection vis-à-vis des crises comitiales. Ils ne doivent pas être utilisés seuls.
· La prescription de magnésium n’est à envisager qu’en cas d’hypokaliémie.
· L’hydratation. Les apports hydriques doivent être suffisants mais sans hyperhydratation qui peut être nocive. Les perfusions sont à éviter chez le malade conscient.
· La thiamine (vitamine B1). La carence en thiamine, fréquente chez l’alcoolodépendant peut provoquer des troubles graves, neurologiques ou cardiaques. Le sevrage peut en favoriser l’apparition, en particulier en cas d’apport glucosé associé. Il est nécessaire d’administrer à titre préventif de la thiamine, en général per os, à tout patient débutant un sevrage. L’absorption étant diminuée en cas d’abus d’alcool ou de malnutrition, l’administration parentérale, de préférence par perfusion intraveineuse une fois par jour voire deux, doit être préconisée en cas de signes cliniques de carence pendant la première semaine. A distance du sevrage l’arrêt de la vitaminothérapie doit être envisagée en fonction de l’évolution clinique. La posologie proposée est 500 mg par jour.
· Pyridoxine. La prescription de pyridoxine (vitamine B6) a un support physiopathologique (carence pouvant favoriser les crises convulsives) mais ne doit pas être prolongée (risque de neuropathie périphérique). En cas de prescription simultanée de B1 et de B6, il est conseillé d’associer la vitamine PP en tant que cofacteur.
· Il n’y a pas d’indication de la vitamine B12.
· La prescription d’acide folique est à discuter chez la femme enceinte pour diminuer les risques de malformation foetale.
La place du traitement vitaminique dans le traitement du sevrage alcoolique justifie la demande du remboursement des vitamines en cas de traitement ambulatoire. Une évaluation de la prescription d’antioxydants (vitamines C, E… ) durant le sevrage mérite d’être conduite.
Aucune des méthodes thérapeutiques non conventionnelles, aussi appelées alternatives, n’a montré intérêt.
Niveau de preuve : Accord professionnel.
Référence : ANAES Objectifs, indications et modalités du sevrage du patient alcoolodépendant. 2001.
Quel intérêt du baclofène dans le sevrage alcoolique?
Le baclofène est utilisé hors AMM dans le traitement des addictions à l’alcool. Son bénéfice dans l’alcoolo dépendance n’est pas démontré.
Des données issues d’études observationnelles suggèrent un intérêt du baclofène dans la prise en charge médicamenteuse de certains patients dépendants à l’alcool, avec une posologie variable et le plus souvent largement supérieure aux doses habituellement utilisées dans les spasticités. Cependant, la méthodologie de ces études ne permet pas de conclure sur l’efficacité du baclofène dans le traitement de l’alcoolo-dépendance. Les données de sécurité d’emploi sont limitées avec les effets indésirables suivants :
- En début de traitement : somnolence, état confusionnel, nausées.
- Et plus spécifiquement chez les alcoolo dépendants, entre autres :
- Abaissement du seuil épileptogène principalement lié à la concomitance de l’instauration du traitement et de l’arrêt de l’alcool.
- Hyponatrémie chez le patient cirrhotique
- Syndrome sérotoninergique
- Hémorragie digestive
- Hépatite
- Risque de sédation majoré en cas de prise simultanée d’alcool.
L’Afssaps met en garde contre l’utilisation hors AMM du baclofène dans cette indication. Son évaluation ne justifie pas sa prescription en dehors du cadre d’essais cliniques bien conduits.
Références :
- Collectif. Alcoolodépendance : après le sevrage. 3e partie. Rev Prescrire. 2009 ;307 :361-7.
Mots clés : alcool – addiction – sevrage - baclofène
Qualité de la preuve = niveau 3
Outils pour le médecin
INPES: Alcool et médecine générale Recommandations cliniques pour le repérage précoce et les interventions brèves
Informations disponibles sur le site de l'INPES: ce document est la traduction française de l’ouvrage Alcohol and Primary Health Care: Clinical Guidelines on Identification and Brief Interventions, élaboré par P. Anderson, A. Gual et J. Colom, dans le cadre du projet Primary Health Care European Project on Alcohol (PHEPA). Il regroupe l’ensemble des données probantes sur lesquelles s’appuie la pratique du repérage précoce et de l’intervention brève (RPIB). La traduction française a été réalisée dans le cadre de la stratégie nationale de diffusion de la formation au RPIB en matière d'alcool auprès des médecins généralistes, mise en œuvre par le ministère chargé de la Santé. Elle s’adresse aux organisateurs de formations, aux formateurs ainsi qu’à toute personne impliquée dans le développement du RPIB. Téléchargement (pdf, 1.6 Mo)
Pour en savoir plus :
- L’espace RPIB sur le site de l’OFDT
INSERM. Alcool & Santé. Lutter contre un fardeau à multiples visages. 25/10/2021.
Bibliomed's
- Bibliomed 487 du 20 décembre 2007 Femmes enceintes : quelques « bulles » pour Noël ?
- Bibliomed 370 du 20 janvier 2005 Mésusages de l’alcool : l’intervention brève en médecine générale
- Bibliomed 367 du 16 décembre 2004 Mésusages de l’alcool : repérage en médecine générale
- Bibliomed 367 du 16 décembre 2004 Mésusages de l’alcool : pourquoi est-il si difficile d’en parler ?
- Bibliomed 366 du 9 décembre 2004 Mésusages de l’alcool : pourquoi est-il si difficile d’en parler ?
- Bibliomed 365 du 2 décembre 2004 Mésusages de l’alcool : qu’en est-il chez les consultants de médecine générale ?
Mots clé : alcool, sevrage, benzodiazépines, dépendance.