Inhibiteurs de la pompe à protons (IPP)
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Quelles sont les indications des différents IPP ?
La HAS rappelait en 2009 dans une fiche de Bon Usage du Médicament [1] les indications des IPP : traitement du reflux gastro-œsophagien (RGO) et de l’œsophagite par RGO, prévention et traitement des lésions gastroduodénales dues aux anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) chez les patients à risque, éradication d’Helicobacter pylori et traitement des ulcères gastroduodénaux
Reflux gastro-œsophagien et œsophagite par reflux
- Reflux gastro-œsophagien (RGO) sans œsophagite
Traitement symptomatique à court terme (2 à 6 semaines) ou à long terme (entretien en cas de rechutes fréquentes ou précoces à l’arrêt du traitement) : il n’a pas été mis en évidence de différence d’efficacité entre les IPP.
- Cicatrisation de l’œsophagite par RGO
Il n’y a pas en général de différence d’efficacité entre les différents IPP.
- Traitement d’entretien et prévention des récidives de l’œsophagite par RGO
Après 6 mois de traitement, il n’y a pas en général de différence d’efficacité entre les IPP.
Lésions gastroduodénales dues aux AINS
- Prévention et traitement des lésions digestives hautes induites par les AINS
Il n’a pas été mis en évidence de différence d’efficacité entre les IPP.
- Prévention des lésions gastroduodénales dues aux AINS chez les sujets à risque
Patients sous AINS de plus de 65 ans, ou ayant des antécédents d'ulcère gastroduodénal, ou traités par antiagrégant plaquettaire, anticoagulant ou corticoïde.
Cette prévention doit être arrêtée en même temps que le traitement par AINS.
- Lésions gastroduodénales dues aux AINS
Traitement des patients pour lesquels un traitement par AINS doit être poursuivi.
Ulcère gastrique et duodénal
En association à une antibiothérapie appropriée, en cas de maladie ulcéreuse gastroduodénale avec infection par H. pylori.
Dans la trithérapie de l’ulcère gastroduodénal associé à Helicobacter pylori,il n’a pas en général été montré de différence d’efficacité entre les IPP en termes d’éradication d’H. pylori.
Dans une étude sur l’éradication d’H. pylori, l’ésoméprazole (40 mg/j) a été plus efficace que le pantoprazole (40 mg/j), mais non différent de l’oméprazole (20 mg/j) ou du rabéprazole (40 mg/j).
- Ulcère gastrique ou duodénal évolutif sans infection à Helicobacter pylori,
Il n’a pas été mis en évidence de différence d’efficacité entre les différents IPP.
- Traitement d’entretien (au long cours) de l’ulcère duodénal
L’Oméprazole est le seul à avoir l’AMM dans cette indication chez les patients non infectés par H. pylori, ou chez qui l’éradication n’a pas été possible, après échec d’un traitement par anti-H2.
Un nombre important de prescriptions d’IPP sont faites dans des situations cliniques hors AMM. En l’état actuel des connaissances, ces prescriptions sont injustifiées, notamment dans la dyspepsie fonctionnelle (sauf si un RGO est associé) ; la prévention des lésions gastroduodénales dues aux AINS utilisés dans le cadre d’affections aiguës chez des patients non à risque (moins de 65 ans, sans antécédent ulcéreux et n’étant traités ni par antiagrégant plaquettaire, ni par anticoagulant, ni par corticoïde).
Références
[1] HAS. Les inhibiteurs de la pompe à protons chez l’adulte 2009.
Qualité de la preuve : niveau 3
Mots clés : inhibiteurs de la pompe à protons ; utilisation [proton pump inhibitors ; utilization].
Quels sont les principaux effets indésirables liés à l’utilisation des IPP ?
En 2009 une réévaluation de la HAS n’a pas démontré de différence d’efficacité cliniquement pertinente entre les IPP. Elle n’a pas mis non plus en évidence de différence entre les IPP pour la survenue d’effets indésirables [1].
Les effets indésirables les plus fréquemment rapportés avec cette classe médicamenteuse sont les diarrhées, les nausées et vomissements, les douleurs abdominales et les maux de tête. Ils touchent moins de 5 % des patients traités par IPP et disparaissent rapidement à l’arrêt du traitement [2].
Un risque de pneumopathie
L’utilisation des IPP augmente à court terme le risque de pneumopathies et le risque d’hospitalisation pour pneumopathie communautaire.
En 2011 dans une méta-analyse de 5 études cas/témoins et 8 études de cohorte [3], sur près de 2 millions de patients au total, il existait un risque accru de pneumopathie bactérienne chez les utilisateurs d’IPP (risque relatif RR = 1,27), plus élevé au cours de la première semaine de traitement (RR= 3,95).
En 2015 une autre méta-analyse de 26 publications [4], représentant 6 351 656 patients de plus de 18 ans, retrouvait 226 769 cas de Pneumopathies Aiguës Communautaires (PAC). Les auteurs ont estimé le risque de PAC 1,5 fois plus élevé en cas d’utilisation d’IPP.
Ce risque était augmenté au cours du premier mois de traitement, indépendamment de la dose d'IPP ou de l'âge du patient.
Le traitement par IPP a également augmenté le risque d’hospitalisation pour PAC.
A noter que l’indication du traitement par IPP n’était pas connue et que le reflux gastro-œsophagien (RGO) pourrait être une cause indépendante de PAC.
Cette publication vient confirmer les précédentes et encourage à restreindre la prescription des IPP à leurs indications strictes, en prenant en compte les facteurs de risque de PAC de chacun. Il n’a pas été retrouvé d’augmentation du risque avec l’utilisation des anti-H2.
Références:
[1] HAS. Les inhibiteurs de la pompe à protons chez l’adulte 2009.
[3] Eom C-S, Jeon CY, Lim J-W, Cho E-G, Park SM, Lee K-S. Use of acid-suppressive drugs and risk of pneumonia : a systematic review and meta-analysis. Can Med Assoc J. 2011;183(3):310-9.
[4] Lambert AA, Lam JO, Paik JJ, Ugarte-Gil C, Drummond MB, Crowell TA. Risk of Community-Acquired Pneumonia with Outpatient Proton-Pump Inhibitor Therapy: A Systematic Review and Meta-Analysis. PLOS ONE. 2015;10(6):e0128004.
Qualité de la preuve : niveau 1
Mots clés : inhibiteurs de la pompe à protons ; effets indésirables ; maladies pulmonaires [proton pump inhibitors ; adverse effects ; lung diseases].
Une augmentation du risque de fractures
Depuis de nombreuses années, on trouve dans la littérature des études observationnelles traitant des effets indésirables des IPP utilisés au long cours, et en particulier du risque fracturaire.
En 2012 dans une étude de cohorte prospective (Nurse’s Health Study) concernant 79 899 participantes ménopausées suivies depuis 12 ans [1], sur un suivi de 565 786 personnes/année (PA), 893 fractures de hanche ont été observées. Le risque absolu de fracture de hanche pour 1000 PA était de 2,02 chez les utilisatrices d'IPP depuis au moins 2 ans comparativement à 1,51 chez les non-utilisatrices. Après ajustement pour l'âge le risque relatif (RR) chez les femmes qui ont utilisé les IPP pendant au moins 2 ans augmentait de 35%.
L'augmentation du risque restait significative après ajustement pour l’Indice de Masse Corporelle (IMC), le niveau d'activité physique, les apports en calcium et l'utilisation d'autres traitements pouvant modifier le risque de fractures comme les bisphosphonates, les diurétiques thiazidiques, les corticoïdes et les traitements hormonaux substitutifs.
Le risque a été directement corrélé à la durée d'utilisation des IPP. Après ajustement, comparativement aux non-utilisatrices, les RR étaient respectivement de 1,36 après 2 ans, 1,42 après 4 ans et 1,55 après 6 à 8 ans d'utilisation.
En revanche, le risque redevenait normal lorsque les femmes cessaient de prendre des IPP pendant au moins 2 ans.
Le risque de fracture a augmenté de plus de 50 % chez les femmes fumeuses ou anciennes fumeuses. En revanche le risque fracturaire n’était pas augmenté chez les femmes utilisatrices au long cours d’IPP qui n'avaient jamais fumé.
Il n’est pas non plus trouvé de relation entre le risque de fracture et le motif de prescription des IPP.
En 2015 dans une mise à jour d’une méta-analyse de 18 études [2] sur 244 109 fractures le risque de fracture de hanche était accru de 26% sous IPP après ajustement pour l’IMC, le tabagisme, le sexe, l’âge et selon les données disponibles pour les apports en calcium et la consommation d’alcool.
Par ailleurs, il y avait un risque de fracture vertébrale accru de 58% mais avec un biais de publication, et un risque accru de 33% de fracture tous sites confondus chez les utilisateurs d’IPP.
Il n’a pas été retrouvé de différence notable en fonction de la durée d’utilisation (> ou < 1 an). Il n’a pas été possible de mettre en évidence un éventuel effet dose-dépendant ou de définir quelle molécule privilégier.
L’utilisation au long cours des IPP augmente de façon significative le risque de fractures principalement de la hanche et fractures vertébrales et chez les femmes fumeuses ou anciennes fumeuses. Ce sur-risque est indépendant des indications initiales ayant motivé la prescription et de la molécule utilisée. Il disparaît 2 ans après l’arrêt des IPP.
Références:
[1] Khalili H, Huang ES, Jacobson BC, Camargo CA, Feskanich D, Chan AT. Use of proton pump inhibitors and risk of hip fracture in relation to dietary and lifestyle factors: a prospective cohort study. BMJ. 2012;344:e372.
[2] Zhou B, Huang Y, Li H, Sun W, Liu J. Proton-pump inhibitors and risk of fractures: an update meta-analysis. Osteoporos Int. 2016;27(1):339-47.
Qualité de la preuve : niveau 3.
Mots clés : inhibiteurs de la pompe à protons ; effets indésirables ; fractures osseuses [proton pump inhibitors ; adverse effects ; fractures, bone].
Une augmentation du risque coronarien ?
Le fait d’avoir un reflux gastro-œsophagien (RGO) traité par IPP est associé à une augmentation du risque de faire un infarctus du myocarde (IDM) sans présumer toutefois d’un lien de causalité.
Dans une base de données de pharmacovigilance portant sur 70 477 sujets américains de plus de 18 ans souffrant de RGO [1], 45,9% avaient utilisé un IPP et 18,2% un anti-H2. Sur une période de suivi de 2,1 et 2,5 ans respectivement pour les IPP et les anti-H2 il a été relevé 22 411 infarctus du myocarde (IDM). Après prise en compte des facteurs de confusion (âge, sexe, origine ethnique, nombre de pathologies, nombre de médicaments pris, pression artérielle et traitement anti-hypertenseur, cholestérol) la prise d’un IPP pour traitement d’un RGO était associée à un risque d’IDM 1,16 fois supérieur, sans préjuger d’un lien de causalité.
Dans une analyse séparée de survie prospective sur une période moyenne de 5,2 ans le risque de mortalité cardiovasculaire était augmenté de 122% chez les utilisateurs d’IPP (Risque de Hazard HR =2,22; IC 95%: 1,07-3,78; p=0,031).
Il n’y a aucune augmentation du risque en lien avec les anti-H2.
Comment expliquer cette augmentation du risque coronarien?
Le mécanisme de cette action néfaste des IPP reste à ce jour mal connu.
Diverses hypothèses sont soulevées :
- des résultats cliniques défavorables liés à l’utilisation des IPP dans des populations cardiovasculaires à haut risque ;
- une prescription à tort pour des troubles digestifs masquant des symptômes coronariens ;
- un mécanisme inconnu, non limité aux patients vasculopathiques, par inhibition enzymatique aboutissant à une augmentation de la résistance vasculaire et favorisant l’inflammation et la thrombose.
En considérant individuellement chaque IPP le risque varie de 1,08 pour l’ésoméprazole à 1,34 pour le pantoprazole. Il n’y a pas de données en ce qui concerne les différents dosages d’IPP.
En population générale les IPP augmentent légèrement le risque d’infarctus du myocarde, mais de façon non significative. Dans une étude randomisée de grande envergure le nombre de sujets à traiter (NNT) pour occasionner un IDM serait de 4357 [2]
Références
[1].Shah NH, LePendu P, Bauer-Mehren A, Ghebremariam YT, Iyer SV, Marcus J, et al. Proton Pump Inhibitor Usage and the Risk of Myocardial Infarction in the General Population. PLOS ONE. juin 2015;10(6):e0124653.
[2]. Shih C-J, Chen Y-T, Ou S-M, Li S-Y, Chen T-J, Wang S-J. Proton pump inhibitor use represents an independent risk factor for myocardial infarction. Int J Cardiol. 15 nov 2014;177(1):292 7.
Qualité de la preuve : niveau 3
Mots clés : inhibiteurs de la pompe à protons ; effets indésirables ; infarctus myocardique [proton pump inhibitors ; adverse effects ; myocardial infarctions].
Y a-t-il une augmentation du risque d’accident vasculaire cérébral ?
L’utilisation des IPP augmente le risque de premier accident vasculaire cérébral (AVC).
Dans une vaste étude de cohorte danoise [1] incluant 244 679 individus (moyenne d’âge 57,9 ans) 44% avaient une prescription d’IPP.Les investigateurs ont examiné l’association entre l’exposition aux IPP et le risque de survenue d’un premier AVC. Quatre molécules ont été examinées : l’oméprazole, le pantoprazole, le lansoprazole, l’ésoméprazole.
Pendant la période de suivi il a été relevé 9489 (3,9%) premiers AVC.
Comparativement aux non utilisateurs les utilisateurs d’IPP étaient plus âgés et avaient davantage de comorbidités dont une fibrillation auriculaire, respectivement 3,4 et 3,8%.
Chez les utilisateurs d’IPP, l’incidence des AVC était de 88,9 pour 100 000 personne-années, contre 55,7 pour 100 000 PA chez les sujets qui ne prenaient pas d’IPP.
Après ajustements pour l’âge, le sexe, la FA, l’HTA, le diabète, l’insuffisance cardiaque, l’ulcère gastro-duodénal, le cancer, l’insuffisance rénale, et l’utilisation d’AINS, les IPP restaient associés à un risque relatif d’AVC de 1,21 (1,16-1,27; p<0,0001).
Il est observé un effet dose/réponse. Il n’y a pas de sur-risque pour des faibles doses et aux doses maximales de traitement c’est sous pantoprazole que le risque serait le plus élevé.
Comparativement il n’a été observé aucun effet des anti-H2.
Pour les auteurs de cette étude le résultat nul pour les anti-H2 réduit la probabilité d’un facteur confondant lié à l’indication. Si le sur-risque d’AVC était lié à l’indication, et non au traitement, il devrait être observé sous anti-H2.
Références
[1]. Sehested TS, Fosbøl EL, Hansen PW, Charlot MG, Torp-Pedersen C, Gislason GH. Abstract 18462: Proton Pump Inhibitor Use Increases the Associated Risk of First-Time Ischemic Stroke. A Nationwide Cohort Study. Circulation. 11 nov 2016;134(Suppl 1):A18462 A18462.
[2]. Bargoin V. Les IPP seraient associés à un sur-risque d’AVC. Medscape. 07 déc 2016.
Qualité de la preuve : niveau 3
Mots clés : inhibiteurs de la pompe à protons ; effets indésirables ; accident vasculaire cérébral [proton pump inhibitors ; adverse effects ; stroke].
Y a-t-il une interaction avec les antiagrégants plaquettaires ?
Les études rétrospectives de cohortes effectuées au sein d’essais randomisés ont des résultats nuancés.
Plusieurs études ont suggéré une diminution de la protection cardiovasculaire lors de l’association IPP et clopidogrel. Pour d’autres il ne semble pas y avoir de différence.
Dans une étude cas témoin canadienne [1] évaluant le lien entre l’association d’un IPP et de clopidogrel le risque relatif de récidive d’infarctus du myocarde était de 1,27 (IC 95% : 1,03-1,57) avec l’ensemble des IPP mais sans augmentation du risque avec le pantoprazole.
Dans une autre étude rétrospective états-unienne [2] le risque de décès ou de syndrome coronarien aigu (SCA) était multiplié par 1,25 (1,1-1,41) en cas d’association clopidogrel – IPP.
Dans une étude randomisée comparant l’oméprazole au placebo chez 3873 patients suite à un SCA ou pose de stent il n’y avait pas de différence significative quant à la survenue d’un nouvel accident cardio-vasculaire : 4,9% vs 5,7% (RR 0,99 ; 0,68-1,44 ; p=0,96). Mais cet essai de faible puissance ne permettait pas d’éliminer définitivement l’absence d’effet néfaste.
Dans une vaste étude à partir de bases données de médecine générale anglaises [3] ont été inclus 24 471 patients ayant reçu de l’aspirine et du clopidogrel. La moitié (12 419) avaient reçu un IPP à un moment donné au cours de l’étude.
- 1419 décès ou IDM (11%) et 1341 (8%) sont survenus respectivement chez les patients ayant reçu ou non un IPP. RR = 1,37 (1,27-1,48).
- en comparant chez un même patient les évènements pendant et hors des périodes d’exposition aux IPP, le RR était alors de 0,75 (0,55-1,01) ce qui laisse à penser que l’augmentation du risque serait davantage le fait de différences entre les personnes que celui du traitement lui-même [4].
L’absence d’association spécifique et la discordance entre les résultats des analyses entre les personnes et chez une même personne suggèrent que l’interaction entre le clopidogrel et les IPP est cliniquement sans importance [3,4].
Références
[1]. Juurlink DN, Gomes T, KO DT, et al. A population- based study of the drug interaction between proton pump inhibitors and clopidogrel. CMAJ. 2009;180:713-8.
[2]. Ho PM, Maddox TM, Wang L, et al. Risk of adverse outcomes associated with conco- mitant use of clopidogrel and proton pump inhibitors following acute coronary syndrome. JAMA. 2009;301:937-44.
[3]. Douglas IJ, Evans SJ, Hingorani AD, et al. Clopidogrel and interaction with proton pump inhibitors: comparison between cohort and within person study designs. Br Med J. 2012;345:e4388.
[4]. Gerson M. Interaction clopidogrel – IPP : quelle portée clinique ? Brèves de pharmacovigilance. Médecine. 2012;8(9):408-409.
Qualité de la preuve : niveau 3
Mots clés : inhibiteurs de la pompe à protons ; effets indésirables ; infarctus myocardique ; accident vascualire cérébral, anti-agrégants plaquettaires [proton pump inhibitors ; adverse effects ; myocardial infarctions ; stroke ; aggregation inhibitors].
Quel est l’impact des IPP sur la fonction rénale ?
Les effets rénaux des IPP sont connus de longue date. Un premier cas de néphrite interstitielle aigüe [NIA] a été rapporté en 1992 avec l’oméprazole [1]
Une revue de la littérature internationale en 2007 [2], a étudié sur les 15 années précédentes, les cas de NIA en lien avec les IPP dans le but de déterminer s’il s’agissait d’une simple association, ou d’une relation causale. Sur 60 cas inclus dans cette revue la relation entre NIA et IPP a pu être classifiée comme certaine pour 12 cas, probable pour 9, et possible pour 12.
Les symptômes devant faire évoquer une NIA sont les nausées, l’anorexie, la polyurie, les malaises, la fièvre, la perte de poids et l’asthénie.
Elle est asymptomatique dans 8% des cas.
Le plus souvent, la fonction rénale récupère bien après arrêt de l’IPP.
Les auteurs de cette étude concluent qu’ils n’ont pas assez de données pour établir un lien de causalité NIA-IPP. « Cet effet secondaire est rare, relève d’une prédisposition particulière de l’organisme, et est difficile à prévoir ».
Il importe de prévenir les patients lors de la prescription d’IPP des symptômes devant faire penser à une possible NIA, susceptibles de survenir principalement dans la première semaine de traitement, afin de permettre un diagnostic précoce.
Cette NIA peut se compliquer en insuffisance rénale aiguë (IRA) et, lorsqu'elle devient chronique, en insuffisance rénale chronique (IRC).
Références: [1] Ruffenach SJ, Siskind MS, Lien YH. Acute interstitial nephritis due to omeprazole. Am J Med. oct 1992;93(4):472‑3.
Qualité de la preuve : Niveau 3.
Mots clés : inhibiteurs de la pompe à protons ; effets secondaires indésirables des médicaments ; insuffisance rénale [proton pump inhibitors ; Drug-Related Side Effects and Adverse Reactions ; renal insuficiency].
Quel est le risque d’insuffisance rénale aigüe (IRA) ?
Prendre un IPP est associé deux fois plus souvent au risque d’être hospitalisé pour une IRA, et ce quel que soit l’IPP.
Une étude de cohorte sur 290 592 patients étatsuniens de 66 ans et plus ayant débuté entre 2002 et 2011 un traitement par IPP a recensé le nombre d’admissions à l’hôpital pour IRA [1]. Le critère principal d’évaluation était le nombre d’hospitalisations avec une IRA dans les 120 jours ayant suivi le début du traitement.
Les taux d’IRA étaient plus élevés chez les sujets prenant des IPP que chez les sujets témoins, respectivement 13,49 versus 5,46 pour 1000 personnes-années (Hazard ratio [HR]= 2,5 ; IC 95% : 2,27-2 ,79).
Les taux de NIA étaient également augmentés, respectivement 0,32 vs 0,11 pour 1000 personnes-années (HR 3 ; 1,47-6,14).
Ces résultats sont concordants avec ceux d’une étude cas-témoins dans la cohorte d’un assureur privé d’un état du Midwest incluant près de 190 000 sujets de plus de 18 ans [2]. Les patients présentant une maladie rénale était 2 fois plus susceptibles d’avoir pris un IPP que ceux qui n’en développaient pas (Odds Ratio [OR]= 2,04; 1,53-2,71) après ajustement pour les potentiels facteurs confondants. Le nombre de sujets à traiter pour nuire (Number Needed to Harm : NNH) était de 300 dans cette cohorte.
Comparativement les auteurs n’ont pas trouvé de lien entre l’utilisation d’antiH2 et la survenue d’une maladie rénale (OR 1,37 ;0,46- 4,13).
Qualité de la preuve : Niveau 3.
Mots clés : inhibiteurs de la pompe à protons ; effets secondaires indésirables des médicaments ; insuffisance rénale [proton pump inhibitors ; Drug-Related Side Effects and Adverse Reactions ; renal insuficiency].
Quel est le risque d’insuffisance rénale chronique (IRC) ?
Chez les patients utilisateurs d’IPP il existe un risque d’IRC par succession d’épisodes d’IRA.
Dans une étude de cohorte étatsunienne sur 10 482 patients créée autour du risque d'athérosclérose (Atherosclerosis Risk in Communities Study, ARCS) (âge moyen 60,3 ans +/-5,6 ; 43,9% d’hommes) [1] la prise d’IPP était auto-déclarée et l'IRC était définie soit par un diagnostic dûment enregistré, soit par un débit de filtration glomérulaire (CKD-epi) inférieur à 60 ml/min/1,73m².
Comparativement aux non utilisateurs, les utilisateurs d’IPP étaient plus souvent de race blanche, obèses et prenaient des médicaments antihypertenseurs. La prise d'IPP était associée à une augmentation du risque d'insuffisance rénale chronique, que les comparaisons soient ajustées pour des critères démographiques, socio-économiques ou cliniques (HR 1,50 ; 1,14-1,96), ou non (HR 1,45 ; 1,11-1,90), ou pour la durée totale de la prise d'IPP.
L’association persistait après comparaison aux utilisateurs d’antiH2 (HR 1,39 ; 1,01-1,91). Le risque absolu (RA) à 10 ans de développer une IRC chez les sujets qui prenaient un IPP au début de l’étude était de 11,8%, alors que leur risque attendu s’ils n’avaient pas pris d’IPP était de 8,5%, soit une différence de RA de 3,3%.
Dans une autre cohorte de 248 751 patients d'une organisation de soins (HMO), le Geisinger Health System [1], l'aggravation du risque d'IRC associée à la prise d'IPP était également nette (HR ajusté 1,17 ;1,12-1,23 ; p < 0,001). Cette aggravation était plus forte chez les patients prenant des IPP matin et soir, comparativement à ceux traités 1 fois par jour (HR 1,46 vs 1,15). Le RA à 10 ans de développer une IRC chez les sujets qui prenaient un IPP au début de l’étude était de 15,6%, alors que leur risque attendu s’ils n’avaient pas pris d’IPP était de 13,9%, soit une différence de RA de 1,7%.
Dans l’une ou l’autre de ces cohortes l’utilisation des antagonistes des récepteurs H2 n’a pas été associée à un risque accru de maladie rénale chronique.
Référence :
Qualité de la preuve : Niveau 3.
Mots clés : inhibiteurs de la pompe à protons ; effets secondaires indésirables des médicaments ; insuffisance rénale [proton pump inhibitors ; Drug-Related Side Effects and Adverse Reactions ; renal insuficiency].
Y a-t-il un risque d’IRC indépendant des épisodes d’IRA ?
Les études qui ont établi un lien entre l’utilisation des IPP et l’IRC ont postulé que cette association est probablement liée à la succession d’épisodes d’IRA qui régressent à l’arrêt du traitement alors que dans d’autres cas l’IRC survient directement pouvant progresser vers une insuffisance rénale terminale.
Afin de définir s’il existe ou non un risque d’IRC sous IPP indépendant des épisodes d’IRA, une cohorte de 144 032 personnes a été constituée dans la base de données des Vétérans américains, soit 125 596 sujets sous IPP et 18 436 sous anti-H2 [1]. Parmi eux, 118 793 personnes n'avaient jamais présenté d'épisode d'IRA entre l'inclusion et la fin du suivi (ou le décès), dont 16 101 sous anti-H2 et 102 692 sous IPP.
À l'inclusion, les participants traités par IPP avaient les mêmes caractéristiques que ceux sous anti-H2, sauf en termes de fréquence du diabète (35,02% vs 31,76%), de maladie pulmonaire chronique (31,98% vs 27,96%), d'hyperlipidémie (74,69% vs 71,88%) et de maladie cardiovasculaire (35,21% vs 30,31%).
Durant les 5 années de suivi, par rapport aux utilisateurs d’antiH2, les utilisateurs d’IPP avaient un risque accru de DFG inférieur à 60 mL/min/1,73 m² (HR 1,19 ; 1,15-1,24). Le HR de l'incidence de l'IRC et celui lié à une baisse du DFG supérieure à 30 ou à 50% par rapport au DFG initial était respectivement de 1,26, 1,22 et 1,30.
Un sur-risque était maintenu lorsque les patients ayant présenté une IRA étaient exclus de l'analyse ou que le moment de sa survenue précédait ou non l'inclusion.
Chez les utilisateurs d’IPP il existe un sur-risque d’insuffisance rénale chronique indépendamment d’épisodes d’insuffisance rénale aigüe. Ce risque n’existe pas chez les utilisateurs d’anti H2. Il importe de surveiller la fonction rénale des patients sous IPP.
Référence :
Qualité de la preuve : Niveau 3.
Mots clés : inhibiteurs de la pompe à protons ; effets secondaires indésirables des médicaments ; insuffisance rénale [proton pump inhibitors ; Drug-Related Side Effects and Adverse Reactions ; renal insuficiency].