Incidentalome surrénalien
Projet collaboratif et formulaire pour poster vos questions et/ou vos commentaires
Ce wiki est un projet collaboratif, auquel chacun peut apporter sa pierre, soit par les questions issues de sa pratique pour lesquelles les réponses sont incertaines ou absentes, soit par les réponses qu'il souhaite lui-même apporter.
Vous devez pour cela vous entrer votre question ou votre commentaire en utilisant notre formulaire en ligne ici...
Qu’est-ce qu’un incidentalome ?
Un incidentalome est un terme désignant une image de lésion supérieure à 1 cm découverte fortuitement sur un examen d’imagerie.
Appliqué aux glandes surrénales, il désigne toute masse surrénalienne découverte fortuitement lors d’un examen d’imagerie : tomodensitométrie (TDM), IRM, échographie, demandé pour une autre raison que l’exploration de la surrénale [1,2].
Cette définition exclut les explorations motivées de patient asymptomatiques porteurs d’un syndrome génétique de prédisposition aux tumeurs surrénaliennes ou les explorations réalisées dans un contexte de bilan d’extension d’une néoplasie extra-surrénalienne évolutive [2-4].
Références:
Qualité de la preuve : niveau 3.
Mots clés : incidentalome surrénales [adrenal incidentaloma].
Quelle est la fréquence de découverte d’un incidentalome surrénalien ?
En raison des progrès technologiques en radiologie, de la meilleure disponibilité et de l’utilisation plus fréquente des examens de type TDM ou IRM, la prévalence des incidentalomes découverts du vivant des patients ne cesse de croître [1,2].
La prévalence de l’incidentalome varie selon les séries 0,3 à 13% notamment en fonction de l’examen d’imagerie considéré (TDM, IRM, plus rarement échographie), en fonction de l’âge moyen des populations étudiées (augmentation de la fréquence avec l’âge), des antécédents des sujets (fréquence plus importante chez les sujets aux antécédents de cancer).
Dans des séries d’études radiologiques la prévalence à partir de scanners abdominaux est en moyenne de 4 ,4%, des masses bilatérales étant observées dans 10 à 15% des cas [1-3]. Dans une série de 25 études sur 87 065 autopsies la prévalence moyenne est de 6% variant entre 2 et 12% selon le recensement des masses dés 2 mm ou à partir de 1 cm et si le sujet a ou non des antécédents d’hypertension [1-3].
La prévalence varie également avec l’âge, < 1% dans les études d’autopsies et 0,2% dans les études radiologiques avant 30 ans, elle atteint 7% après 70 ans. Le pic de fréquence se situe entre 50 et 70 ans. Les incidentalomes sont unilatéraux dans près de 90% des cas. Il n’y a pas de différence entre les hommes et les femmes (sexe ratio = 1) [1].
Références :
Qualité de la preuve : niveau 3.
Mots clés : incidentalome surrénalien – prévalence [adrenal incidentaloma- prevalence].
Quelles sont les causes possibles d’incidentalomes surrénaliens ?
Lors de la découverte d’une masse surrénalienne la question se pose du diagnostic différentiel entre lésion bénigne, maligne, sécrétante ou non sécrétante.
Les incidentalomes correspondent dans près de 79 % des cas à des adénomes bénins corticosurrénaliens non sécrétants ou infra cliniques [1,2].
Les autres étiologies sont nombreuses mais quatre d’entre elles sont à retenir en raison de leur expression clinique ou de leur gravité potentielle ou avérée nécessitant une prise en charge spécifique:
- Les adénomes sécrétants qui représentent 5 à 8 % des incidentalomes surrénales.
- Le phéochromocytome entre 3 et 10 %.
- Le corticosurrénalome environ 4%.
- Les métastases environ 2% (0,4% chez les sujets sans antécédent connu de cancer).
Références :
Qualité de la preuve : niveau 3.
Mots clés: incidentalome surrénalien – étiologie [adrenal incidentaloma- etiology].
Que doit-on rechercher après la découverte d’un incidentalome surrénalien ?
La découverte fortuite d’une masse surrénalienne inapparente ne signifie pas l’absence d’activité endocrinienne [1].
Bien qu’aucune démarche diagnostique spécifique n’ait été validée toute découverte d’un incidentalome impose un interrogatoire détaillé et un examen physique complet à la recherche d’une hypersécrétion endocrinienne ou d’un cancer [2,3]:
- Syndrome de Cushing: hypertension, ostéopénie, ostéoporose, hyperglycémie à jeun, diabète, hyperkaliémie, hyperlipidémie, leucocytose avec lymphopénie relative.
- Pheochromocytome: hypertension paroxystique ou continue, hypotension orthostatique, pâleur, rétinopathie, tremblement, fièvre.
- Hyperaldostéronisme primaire: hypertension modérée ou sévère, hyperkaliémie et hyponatrémie.
- Carcinome surrénales: hypertension, ostéopénie, ostéoporose, hyperglycémie à jeun, diabète, hyperkaliémie, hyperlipidémie, leucocytose avec lymphopénie relative.
- Cancer métastatique: antécédents, symptômes spécifiques d’un cancer.
Références:
Qualité de la preuve: niveau 3.
Mots clés: incidentalome surrénalien – diagnostic [adrenal incidentaloma – diagnosis].
Quels tests demander compte tenu des différents diagnostics possibles ?
Syndrome de Cushing
Même en l’absence de signes cliniques spécifiques d’hypercorticisme une sécrétion continue de cortisol peut être responsable d’hypertension, obésité, diabète, ostéoporose.
Dans une série de 13 études sur 2005 patients présentant un incidentalome surrénalien une sécrétion autonome de cortisol a été retrouvée chez 5,3% des patients malgré un contrôle normal de l’axe hypothalamo-hypophysaire [1].
Tests [1,2]:
- Test à la dexaméthazone. En l’absence de test fiable pour évaluer directement la sécrétion autonome des surrénales la meilleure stratégie est un test nocturne de suppression à la dexaméthasone (1 mg à 23 heures) avec dosage du cortisol plasmatique le lendemain à 8 heures. Il n’y a pas d’accord sur une valeur optimale mais un seuil de 5 µg/ dl (138 nmol/L) est considéré comme anormal avec une spécificité de 91%.
- En cas de positivité du test à la dexaméthasone une confirmation est nécessaire : cortisolurie de 24 heures, cortisol salivaire, test à l’ACTH. De faux positifs peuvent être dus à des médicaments accélérant le métabolisme hépatique de la déxaméthasone (anticonvulsivants) ou à un manque de compliance.
Phéochromocytome
Même cliniquement silencieux un phéochromocytome peut être mortel. Suite à la découverte d’un incidentalome sa recherche est primordiale [1].
Dans une étude portant sur 33 phéochromocytomes, 19 (58%) avaient été détectés comme des incidentalomes et parmi eux 10 (50%) seulement avaient une hypertension [3].
Tests [1,2]:
- Métanéphrines urinaires. Sur les urines de 24 heures, la sensibilité et la spécificité sont toutes deux entre 91 et 98%.
- Métanéphrines plasmatiques. En cas de forte suspicion le dosage métanéphrines plasmatiques est plus sensible (96 à 100%) mais moins spécifique (85 à 89% et même 77% après 60 ans).
- Faux positifs. Les antidépresseurs tricycliques, les benzodiazépines et les alpha-béta bloquants peuvent favoriser les faux positifs par augmentation de la sécrétion endogène de catécholamines.
- En cas de doute une scintigraphie à la métaiodobenzylguanidine (MIBG) peut être utile.
Hyperaldostéronisme primaire (adénome de Conn)
Le dépistage d’un hyperaldostéronisme est recommandé suite à la découverte d’un incidentalome chez tout patient hypertendu.
Les adénomes producteurs d’aldostérone représentent 1% des incidentalomes. Une hypersécrétion d’aldostérone est associée à une augmentation du risque cardio-vasculaire [1].
Tests [1,2,4]:
- Une HTA et une hypokaliémie sont suggestives d’un hyperaldostéronisme mais une hypokaliémie n’est présente que dans 40% des cas. Le dosage de la kaliémie ne peut donc être considérée comme un examen de dépistage.
- Rapport aldostérone plasmatique / activité de la rétine plasmatique le matin chez un sujet levé depuis 2 heures. Un hyperaldostéronisme primaire est suspecté si ce rapport est > 0,95 avec une concentration plasmatique en aldostérone > 0,4 nmol/L. Mais le seuil est dépendant des techniques de laboratoire.
- Le diagnostic doit ensuite être confirmé par des tests dynamiques de stimulation de la rénine et suppression de l’aldostérone (furosémide et surcharge en sel).
- Arrêt nécessaire préalable des médicaments antihypertenseurs susceptibles d’interférer avec les résultats :
- 2 semaines avant pour les antihypertenseurs centraux.
- 6 semaines pour la spironolactone.
Le bilan de dépistage d’un incidentalome surrénalien associe [2]
- Dosage des métanéphrines et normétanéphrines urinaires de 24 heures.
- Test de suppression à la dexaméthazone, ou cortisolurie de 24 heures ou cortisol salivaire à minuit.
- Rapport aldostérone plasmatique / activité de la rénine plasmatique si hypertension artérielle.
Références
Qualité de la preuve : niveau 3
Mots clés : incidentalome surrénalien – maladie de Cushing – phéochromocytome – hyperaldostéronisme - diagnostic [adrenal incidentaloma –cushing disease – pheochromcytoma – hyperaldosteronism - diagnosis].
Quels sont les risques de lésion maligne ?
La taille de la masse surrénalienne est directement proportionnelle avec le risque de malignité [1].
Parmi 2005 patients chez qui a été découvert un incidentalome 4,7% correspondaient à un carcinome et 2,5% à un cancer métastatique (poumon, rein, sein, estomac, colon, foie, pancréas) [1,2].
Parmi 887 patients un volume > 4 cm était prédictif de carcinome avec une sensibilité de 90% mais une faible spécificité : seulement 24% de ces lésions étaient réellement malignes {Young}.
La taille et l’aspect à l’imagerie sont les deux éléments majeurs prédictifs de malignité : 2% si < 4 cm et 25% si > 6 cm [1].
Références:
Qualité de la preuve : niveau 3
Mots clés : incidentalome surrénalien – carcinome cortico-surrénalien [adrenal incidentaloma –adrenocortical carcinoma].
Quand y a-t-il une indication chirurgicale ?
L’indication chirurgicale dépend de la taille, de l’aspect, de la clinique, de l’âge, des comorbidités et de l’évaluation des fonctions hormonales.
Le consensus du National Institutes of Health recommande une excision de toutes les tumeurs de plus de 6 cm et de se baser pour la décision sur la clinique et l’évaluation initiale et le suivi pour les tumeurs entre 4 et 6 cm [1].
Les données plus récentes de la littérature recommandent d’abaisser le seuil de la décision à 4 cm, la majorité des carcinomes cortico-surrénaliens étant > 4 cm [2].
Références: