Prévention du suicide

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Quelle est la fréquence des suicides et tentatives de suicide ?

Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), plus de 800 000 décès sont attribuables chaque année à un suicide dans le monde.

La France présente un des taux de suicide les plus élevés d’Europe, derrière les pays de l’Est, la Finlande et la Belgique [1].

En 2015 les données du Centre d’épidémiologie sur les causes médicales de décès (CepiDC-Inserm) faisaient état de 8 948 décès par suicide [1-3].

Selon les données de l’enquête Baromètre de Santé publique France en 2017[4], 1148 personnes de 18 à 75 ans (4,7% ; IC 95% : 4,4-5,1) déclaraient avoir pensé se suicider au cours des 12 derniers mois, 7,2% avaient tenté de se suicider au cours de leur vie et 0,39% au cours de l’année.

Les femmes étaient proportionnellement plus nombreuses que les hommes, respectivement 5,4% et 4,0% (p < 0,001).

Références:

[1].Eurostat. Archive : statistiques sur les causes de décès. Taux de mortalité standardisé pour 100 000 habitants en 2014. Révision septembre 2018.(cité 5 févr 2024).

[2].HAS. Les suicides et tentatives de suicides de patients. Rapport juillet 2022. (cité 5 févr 2024).

[3].Dress. Données épidémiologiques sur les décès par suicide. (cité 5 févr 2024).

[4].Léon C, Chan-Chee C, du Roscoät E, SPF. Baromètre de Santé publique France 2017 : tentatives de suicide et pensées suicidaires chez les 18-75 ans. Bull Epdemiol Hebd. 2019 ;3-4 :38-47. (cité 5 févr 2024).

Qualité de la preuve : Grade 1

Mots clés : suicide ; épidémiologie [suicide ; epidemiology].

Quelles sont les motivations ?

Les motivations les plus souvent retrouvées sont des raisons familiales (41,4%), sentimentales (32,3%), professionnelles (27,6%), financières (23,7%) et de santé (23,7%).

Selon le genre les pensées suicidaires de femmes sont plus souvent liées à des raisons familiales (48,3% vs 31,6% ; p < 0,001) et celles des hommes à des raisons professionnelles (31,5% vs 24,8% ; p < 0,05%).

Selon l’âge les jeunes de 25 à 34 ans citaient davantage des raisons sentimentales : 53,8% pour les 18 – 24 ans et 44,9% pour les 25-34 ans (p < 0,01 comparativement aux autres tranches d’âge). Les 45 – 54 ans citaient davantage des raisons professionnelles et les 65 – 75 ans des raisons de santé, respectivement 37,6% et 36,8% (p < 0,01 comparativement aux autres tranches d’âge).

Selon le niveau d’études les femmes de niveau supérieur au BAC étaient plus à risque d’avoir eu des pensées suicidaires au cours des 12 derniers mois (risque relatif ajusté [ORa = 1,5 ; p=0,067) que les hommes.

Selon les régions les taux de suicide varient fortement dépassant, par rapport à la moyenne nationale, de 47,7% en Bretagne, 20% en Normandie, Pays de la Loire et Hauts de France. Les régions Auvergne-Rhône-Alpes et Corse enregistrent au contraire les taux les plus bas, inférieurs de 15% par rapport à la moyenne en France métropolitaine [1].

Globalement, le taux de décès par suicide a tendance à diminuer dans le temps, de -26% entre 2003 et 2014. Cette baisse est plus importante sur la période 2008-2014 (-18 %) que sur 2003-2008 (-10 %). Les taux diminuent pour toutes les classes d’âge entre 2003 et 2008 à l’exception des 55-64 ans [1].

Les difficultés financières, le fait d’être célibataire, divorcé ou veuf, l’inactivité professionnelle ainsi que les évènements traumatisants sont associés aux comportements suicidaires. Le facteur le plus associé aux pensées suicidaires est d’avoir vécu un épisode dépressif caractérisé au cours de l’année (ORa=8,3 pour les hommes et 6,6 pour les femmes) [2,4].

Références :

[1]. Dress. Données épidémiologiques sur les décès par suicide. (cité 5 févr 2024).

[2]. Eurostat. Archive : statistiques sur les causes de décès. Taux de mortalité standardisé pour 100 000 habitants en 2014. Révision septembre 2018. (cité 5 févr 2024).

[3]. HAS. Les suicides et tentatives de suicides de patients. Rapport juillet 2022. (cité 5 févr 2024).

[4]. Léon C, Chan-Chee C, du Roscoät E, SPF. Baromètre de Santé publique France 2017 : tentatives de suicide et pensées suicidaires chez les 18-75 ans. Bull Epdemiol Hebd. 2019 ;3-4 :38-47. (cité 5 févr 2024).

Qualité de la preuve : Grade 1

Mots clés : suicide ; épidémiologie ; facteurs de risque [suicide ; epidemiology ; risk factors].

Quels sont les modes opératoires des tentatives de suicide les plus fréquents ?

Les intoxications médicamenteuses volontaires (IMV) représentent le mode opératoire le plus fréquent des tentatives de suicide [1].

Dans une étude sur les motifs d’hospitalisation pour tentative de suicide entre 2008 et 2017, quelle que soit l’année, les IMV, représentaient 87% et 75% des hospitalisations pour tentative de suicide (TS) respectivement chez les femmes et chez les hommes.

Les psychotropes sont responsables de plus de 60% des TS hospitalisées, respectivement 64% et 55% chez les femmes et les hommes ; sédatifs barbituriques (82% des cas) et antidépresseurs (10%). Sont également retrouvés les antipyrétiques (principalement le paracétamol (10%), des médicaments à visée cardiovasculaire (2,6%), des antibiotiques, des antidiabétiques, différents traitements hormonaux (moins de 1%).

Les autres modes opératoires sont représentés par des intoxications avec des produits non médicamenteux (pesticides), l’utilisation d’objets tranchants (7% et 8% respectivement chez les femmes et les hommes) et la pendaison (1 et 4 %). Le saut dans le vide, les collisions volontaires, les noyades, l’exposition au feu sont moins fréquents.

Entre 2008 et 2017 les IMV aux psychotropes ont diminué parallèlement à une augmentation des IMV aux analgésiques antipyrétiques, aux produits non médicamenteux, aux lésions par objet tranchant (+ 5 points et + 3 points respectivement chez les femmes et les hommes) et les pendaisons (+ 1,6 points) [2].

Références:

[1] Léon C, Chan-Chee C, du Roscoät E, SPF. Baromètre de Santé publique France 2017 : tentatives de suicide et pensées suicidaires chez les 18-75 ans. Bull Epdemiol Hebd. 2019 ;3-4 :38-47. (cité 5 févr 2024).

[2] Chan-Chee C. Les hospitalisations pour tentative de suicide dans les établissements de soins de courte durée : évolution entre 2008 et 2017. Bull Epidémiol Hebd. 2019;(3-4):48-54.

Qualité de la preuve : Grade 1

Mots clés : suicide ; épidémiologie [suicide ; epidemiology].

Les médias peuvent-ils avoir une influence sur une augmentation de l’incidence des suicides ?

Une large couverture médiatique d’un suicide de personnes célèbres peut déclencher des suicides par imitation dans le grand public [1]

L’effet d’imitation après reportage sur le suicide de célébrités a été nommé “effet Werther“ par assimilation avec le chagrin du héros de Goethe ayant mis en scène son suicide en 1774.

Le plus large effet Werther fut observé suite au décès par suicide de Marilyn Monroe. Durant le mois suivant son suicide, survenu en avril 1962 à 54 ans, on observa à New York 303 suicides additionnels chez les personnes de 45 à 59 ans, c’est-à-dire du même âge, soit une augmentation de 12%, alors que l’élévation de la mortalité par suicide aux États-Unis n’est que de 2,5% dans le mois suivant la relation médiatique du suicide d’autres personnes [1].

De même en 1993 le suicide de Pierre Beregovoy, ancien premier ministre, a été suivi dans le mois suivant d’une augmentation de 17,6% du taux de suicides et de 26 % des suicides par armes à feu [2].

Plus de 150 études ont étudié l’effet de la médiatisation du suicide des célébrités ou de leurs commentaires sur une augmentation des taux de morbi-mortalité suicidaire.

Dans une revue systématique et méta analyse [3] de 31 études publiées entre 1974 et 2016 dont 20 présentaient un risque de biais modéré, 19 en Asie, Europe, Amérique du Nord et Australie ont montré, au cours de la période de 7 à 60 jours (médiane de 28 jours) suivant un reportage sur la mort par suicide d’une célébrité, une augmentation du nombre de suicides de 13 % (IC 95 % ; 8 % - 18 % ; p < 0,001; 14 études).

Dans des analyses univariées il y avait de faibles preuves de cette association dans les études publiées avant 2005 (rapport 1,12 ; 0,99-1,26 ; 2 études) mais des preuves évidentes depuis 2006 : 1,13 (1,04-1,23 ; 3 études), 1,06 (1,02-1,26 ; 4 études) et 1,16 (1,11-1,22 ; 5 études) respectivement pour les trois périodes 2006 – 2010, 2011-2015 et après 2016.

Le rapport était légèrement supérieur en cas de suicide d’artiste (1,17 ; 1,12-1,23 ; 6 études) par rapport à d’autres types de célébrités (1,08 ; 1,04-1,12 ; 8 études). Les mêmes différences étaient observées selon que le suicide concernait une seule célébrité ou plusieurs.

Lorsque la méthode de suicide utilisée par la célébrité était signalée il y avait, dans la période de 14 à 60 jours (médiane 28 jours) suivant le reportage une augmentation de 30 % des décès par la même méthode (rapport de taux 1,30 ; 1,18 - 1,44 ; p < 0,001 ; 11 études) [1].

Le signalement des décès par suicide de célébrités semble avoir eu un impact significatif sur le nombre total de suicides dans la population générale. L’augmentation était plus marquante en ce qui concernait le recours à la même méthode que celle utilisée par la célébrité.

Références:

[1]. Kahn, J. & Cohen, R. Impact des médias sur le suicide : comment transformer l’« effet Werther » en prévention du suicide ? Dans : Philippe Courtet éd., Suicides et tentatives de suicide. Cachan: Lavoisier. 2010 : 322-7.

[2]. Core Queinec R, Beitz C, Contrand B, et al. Research Letter: Copycat effect after celebrity suicides: results from the French national death register. Psychological Medicine. 2011;41(3):668-671. doi:10.1017/S0033291710002011.

[3]. Niederkrotenthaler T, Braun M, Pirkis J et al. Association between suicide reporting in the media and suicide: systematic review and meta-analysis. BMJ. 2020 Mar 18;368:m575. doi: 10.1136/bmj.m575. PMID: 32188637; PMCID: PMC7190013.

Qualité de la preuve : Grade 1

Mots clés : suicide ; prévention et contrôle [suicide ; prevention and control].

Les reportages médiatiques peuvent-ils avoir un effet protecteur vis-à-vis du risque suicidaire ?

L'impact du signalement des suicides ne peut pas se limiter aux effets nuisibles. Certains contenus conceptualisés sous le terme “ effet Papageno “ sont associés avec une diminution des taux de suicides.

Dans l’opéra « La flûte enchantée » de Mozart, Papageno, un oiseleur qui croit avoir perdu son amour, élabore un plan pour mettre fin à sa vie. Au moment où il décide de se pendre, surviennent trois jeunes garçons qui arrêtent son geste, l’incitant à envisager une autre voie.

Une étude écologique de 497 articles de la presse écrite étudiant la variation géographique des suicides publiés en Autriche entre le 1er janvier et le 30 juin 2005 [1] visait à identifier les associations entre le contenu des articles médiatiques et les changements à court terme dans les taux de suicide selon les régions d’influence des différents journaux étudiés. Elle montre que les messages médiatiques peuvent avoir une portée préventive des comportements suicidaires lorsque les médias abordent l’idéation suicidaire sans parler de passage à l’acte et mettent l'accent sur la volonté de « continuer à vivre » et sur l'importance de l’adoption de mécanismes d’adaptation positifs (coping) pour faire face à la situation.

Une autre étude réalisée avec le réseau téléphonique américain de prévention du suicide (National Suicide Prevention Lifeline, NSPL [2] a évalué l’impact médiatique d’une chanson du rappeur américain « Logic » intitulée «1-800-273-8255 » (numéro de téléphone de la NSPL). La chanson raconte la détresse d’un homme suicidaire qui, suivant les recommandations du rappeur dans le rôle d’un conseiller téléphonique, finissait par retrouver goût à la vie et renonçait au suicide.

Dans la période des 34 jours après la sortie de la chanson, sa diffusion nationale à la cérémonie des MTV Music Awards et à celle des Grammys Awards (les « grandes messes » des récompenses de la musique américaine) la NSPL a reçu un excès de 9915 appels (6594 - 13236) soit une augmentation de 6,9% (4,6% - 9,2%) par rapport au nombre attendu. Le pays a enregistré sur la même période 5,5% de suicides en moins (0,8 % - 10,1%) chez les 10-19 ans, avec une estimation de 245 morts évitées.

La couverture d'une adaptation positive dans des circonstances défavorables, comme le font les médias sur les idées suicidaires, peut avoir des effets protecteurs.

Références:

[1]. Niederkrotenthaler T, Voracek M, Herberth A et al. Role of media reports in completed and prevented suicide: Werther v. Papageno effects. Br J Psychiatry. 2010 Sep;197(3):234-43. doi: 10.1192/bjp.bp.109.074633. PMID: 20807970.

[2]. Niederkrotenthaler T, Tran US, Gould M et al. Association of Logic's hip hop song "1-800-273-8255" with Lifeline calls and suicides in the United States: interrupted time series analysis. BMJ. 2021 Dec 13;375:e067726. doi: 10.1136/bmj-2021-067726. PMID: 34903528; PMCID: PMC8667739.

Qualité de la preuve : Grade 1

Mots clés : suicide ; prévention et contrôle [suicide ; prevention and control].

Comment repérer un risque suicidaire en consultation ?

Des facteurs de risque de suicide doivent attirer particulièrement l’attention [1].

Facteurs de risque suicidaire


Il est recommandé d’être attentif aux facteurs de risque individuels et environnementaux de dépression et de suicides. Ces facteurs de risque ne sont spécifiques ni à la dépression ni au suicide, et la majorité des suicides ou tentatives de suicide ne sont pas secondaires à une dépression caractérisée [1].

Les adolescents vivant en foyer, déracinés, ayant affaire au système judiciaire et/ou ayant été victimes de maltraitance sont considérés comme à « très haut risque » de dépression ou de suicide (HAS.Recommandations 2014) [1].

Il est recommandé de rechercher des signes d’alerte suicidaire [1].

Signes d'alerte
  • Certains facteurs signent la gravité de la tentative de suicide : préméditation, dissimulation du geste, absence de facteur déclenchant explicatif, moyen ou scénario à fort potentiel létal, moyen toujours à disposition.
    • Il existe un degré de gravité croissant entre les idées de mort, l’idéation suicidaire, l’intention suicidaire et la préparation du geste suicidaire.

(HAS Recommandations 2014) [1]

Des outils sont utiles pour aider le médecin généralistes pour le repérage du risque suicidaire

Le questionnaire ASQ [2]

1- Au cours des dernières semaines, as-tu souhaité être mort ?

2- Au cours des dernières semaines, as-tu pensé que ce serait mieux pour ta famille que tu sois mort ?

3- Au cours des dernières semaines, as-tu pensé à te suicider ?

4- As-tu essayé de te suicider ?

5- Si le patient répond « Oui » à l’une des questions précédentes, poser la question suivante : “as-tu actuellement des idées de suicide ? Si oui, dis-moi comment“.


S’il répond « Oui » à l’une des quatre premières question et « Non » à la question cinq, il a besoin d’une évaluation psychiatrique rapide ; s’il répond « Oui » il y a un risque de suicide élevé qui nécessite une prise en charge immédiate.

Ce questionnaire a été évalué dans des services d’urgence et de psychiatrie en milieu urbain aux États-Unis pour des consultants de 10 à 21 ans avec une sensibilité de 96,9 % (IC à 95 % : 91,3-99,4), une spécificité de 87,6 % (84,0-90,5) et des valeurs prédictives négatives de 99,7 % (98,2-99,9) pour des recours aux urgences médicales ou chirurgicales et de 96,9 % (89,3-99,6) pour les urgences psychiatriques. Il n’a pas été testé en consultation de médecine générale.

Le test BITS (Bullying [harcèlement]-Insomnia-Tobacco-Stress) [3].

1. As-tu été Brimé ou maltraité dans ton établissement scolaire y compris par téléphone ou Internet? □ non = 0, □ oui = 1, □ hors l’établissement scolaire = 2

2. As-tu souvent des Insomnies ou des troubles du sommeil? Des cauchemars? □ non = 0, □ oui = 1, □ des cauchemars = 2

3. Fumes-tu du Tabac? □ non = 0 □ oui, irrégulièrement = 1, □ oui, tous les jours = 2

4. Te sens-tu Stressé par le travail scolaire ou bien l’ambiance familiale? □ non = 0, □ oui = 1, □ par les deux = 2

Établir le score de chaque question: 0 à 2. Un score total ≥3 est associé avec un plus grand risque de problématique suicidaire.

Ce test permet d’alerter le médecin généraliste concernant l’éventualité d’une problématique suicidaire chez un adolescent consultant pour un motif tout autre.

Ces tests ne doivent pas être vus comme un interrogatoire mais les questions doivent être distillées au cours de la consultation si l’intuition clinique du médecin lui fait penser à un risque de suicide.

En cas de BITS positif, le médecin saura qu’il sera utile de prioriser la discussion des thèmes de santé mentale, soit par lui-même s’il est en mesure d’offrir des soins adaptés soit en assurant le lien vers un pédopsychiatre ou des structures de soins adaptés à la prise en charge des jeunes présentant des idées suicidaires, y compris les numéros d’appel d’urgence pour les jeunes et leurs familles [3].

Références:

[1].HAS. Manifestations dépressives à l’adolescence : repérage, diagnostic et prise en charge en soins de premier recours. Recommandations 2014.

[2].LM, Bridge JA, Teach SJ, Ballard E, Klima J, Rosenstein DL, Wharff EA, Ginnis K, Cannon E, Joshi P, Pao M. Ask Suicide-Screening Questions (ASQ): a brief instrument for the pediatric emergency department. Arch Pediatr Adolesc Med. 2012 Dec;166(12):1170-6. doi: 10.1001/archpediatrics.2012.1276. PMID: 23027429; PMCID: PMC6889955.

[3].Haller DM, Meynard-Colomb A, Binder P. Dépistage de la suicidalité à l’adolescence: présentation d'un outil pratique - le BITS. Prim Hosp Care Med Int Gen. 2021 ; 21(07) : 221-2.

Qualité de la preuve : Grade 3

Mots clés : suicide ; intervention médicale précoce ; outils [suicide ; early medical intervention ; tools].

Quelles actions possibles pour tenter de prévenir le risque de suicide ?

Les facteurs de risque de suicide sont à la fois individuels et collectifs, sociaux, environnementaux, en rapport avec le parcours de vie et la santé mentale des individus. Il existe peu de preuves de l’efficacité des programmes de prévention [1].

Une étude de cohorte de l’US Air Force ayant inclus, entre 1990 et 2002, 5 260 292 membres actifs [2] a développé un programme de formation de personnes sentinelles pour la détection des sujets à risque de suicide et l’amélioration du rôle de prévention des professionnels de santé mentale.

La mise en place d’un système complet de services psychosociaux visant à limiter la stigmatisation liée à la recherche d'aide pour un problème de santé mentale ou psychosociale, à améliorer la compréhension de la santé mentale et à modifier les politiques et les normes sociales en rapport avec la souffrance mentale et le suicide a montré sur la décennie 1990 – 2002 une réduction de 33% (IC 95% : 18-54) du risque relatif de suicides indépendamment de l’âge.

Le programme “Signs of suicide [SOS] Prevention Program“ [1] mis en place entre 2001 et 2002 auprès de 2 100 jeunes de 15 à 24 ans dans 5 universités du Connecticut avait pour objectif d’aider les étudiants à mieux comprendre la dépression et que les comportements suicidaires ne sont pas une réaction normale à une détresse émotionnelle. Il comportait une éducation psychologique sous forme de vidéos et un guide d’entretien sur les signes avant-coureurs du risque de suicide et la façon de demander de l’aide pour eux-mêmes ou pour un pair y compris en contactant des adultes de confiance.

L’effet du programme sur les tentatives auto-déclarées montrait une réduction d’environ 40% (- 46 à – 26) dans le groupe intervention (n = 1027) comparativement au groupe témoin (n = 1073).

En France le programme national VigilanS de prévention du suicide [3] repose sur des équipes pluriprofessionnelles (médecin, psychiatre, infirmier, psychologue). Il a pour objectif, pour diminuer les récidives, de recontacter toute personne ayant fait une tentative de suicide, quel que soit son âge, et n’ayant pas été hospitalisée. Le patient inclus avec son accord dans le dispositif bénéficie d’un numéro d’appel gratuit (“numéro vert“) qu’il peut appeler quand il veut. Une veille est mise en place pour 6 mois, avec des contacts par voie postale, avec prolongation possible si besoin. Les professionnels de santé du patient sont régulièrement informés du suivi.

Dans le département du Pas de Calais entre 2014 (mise en place du programme) et 2017 il a été constaté une diminution de 13,5% du nombre de passages aux urgences pour tentatives de suicide, respectivement – 14% et – 10% pour les hommes et les femmes, diminution plus marquée que dans les départements voisins n’ayant pas mis en place un tel programme.

Le programme Papageno consiste à sensibiliser les professionnels des médias et de l’information aux recommandations de l’Organisation Mondiale de la Santé [4]:

  • Formations dans les écoles de journalisme pour que les médias adaptent leur discours pour parler du suicide avec des mots justes afin de contenir une contagion suicidaire ;
  • Promotion de l’entraide et de l’accès aux soins en diffusant les informations concernant les lieux dans lesquels les suicidants peuvent trouver une aide.

Une étude en Autriche à propos de 497 articles sur le suicide dans différents médias écrits sur une période de 6 mois a montré que mettre l’accent sur l’importance des mécanismes d’adaptation pour faire face à la situation peut avoir une influence préventive des comportements suicidaires [5].

Une étude du réseau téléphonique américain de prévention du suicide (National Suicide Prevention Lifeline, NSPL) [6] a évalué le large impact médiatique inattendu d’une chanson du rappeur américain « Logic » intitulée «1-800-273-8255 » (numéro de téléphone de la NSPL).

Dans la période de 34 jours après la sortie de la chanson et sa large diffusion nationale la plate-forme a enregistré une augmentation de 6,9% (4,6% - 9,2%) du nombre d’appels par rapport au nombre attendu. Sur la même période le pays a enregistré 5,5% de suicides en moins (0,8 % - 10,1%) chez les 10-19 ans, avec une estimation de 245 morts évitées.

Des plans d’actions multiprofessionnelles et multifactorielles, mobilisant l’entourage familial, scolaire, socio-environnemental sont à même d’avoir une influence positive en termes de prévention du suicide.

Références:

[1].Aseltine RH, DeMartino R. An Outcome Evaluation of the SOS Suicide Prevention Program. Am J Public Health. 2004;94(3):446 51.

[2].Knox KL, Litts DA, Talcott GW, Feig JC, Caine ED. Risk of suicide and related adverse outcomes after exposure to a suicide prevention programme in the US Air Force: cohort study. BMJ. 13 déc 2003;327(7428):1376.

[3].Vaiva G, Plancke L, Amariei A, Demarty AL, Lardinois M, Creton A, et al. Évolutions du nombre de tentatives de suicide dans le Nord-Pas de Calais depuis l’implantation de VigilanS : premières estimations. L’encéphale. 2019;45:S22 6.

[4].Licence: CC BY-NC-SA 3.0 IGOOrganisation mondiale de la Santé. Prévention du suicide : guide à l’usage des réalisateurs et des autres personnes travaillant pour la scène ou l’écran. Organisation mondiale de la Santé. 2019.

[5].Niederkrotenthaler T, Voracek M, Herberth A et al. Role of media reports in completed and prevented suicide: Werther v. Papageno effects. Br J Psychiatry. 2010 Sep;197(3):234-43. doi: 10.1192/bjp.bp.109.074633. PMID: 20807970.

[6].Niederkrotenthaler T, Tran US, Gould M et al. Association of Logic's hip hop song "1-800-273-8255" with Lifeline calls and suicides in the United States: interrupted time series analysis. BMJ. 2021 Dec 13;375:e067726. doi: 10.1136/bmj-2021-067726. PMID: 34903528; PMCID: PMC8667739.

Qualité de la preuve : Grade 3

Mots clés : suicide ; prévention et contrôle [suicide ; prevention and control].

Comment évaluer l’urgence chez un enfant ou un adolescent suicidaire ?

Les idées suicidaires d’un enfant ou d’un adolescent ne doivent jamais être banalisées [1].

Dans l’évaluation d’une crise suicidaire il est proposé de distinguer [1]:

L’urgence suicidaire' qui correspond à la “probabilité que la personne adopte une conduite suicidaire potentiellement létale à court terme“. Cette évaluation intègre :

  • L’appréciation du degré de souffrance ou de douleur psychique ;
  • Le regard critique sur un éventuel précédent passage à l’acte et le désir de réitération ;
  • La recherche d’un scénario suicidaire, son degré d’élaboration et sa dangerosité ;
  • L’estimation du niveau de velléité, la recherche ou non d’aide, l’acceptation de propositions d’aide ;
  • La possibilité et le positionnement face à des facteurs ou mesures dissuasifs.

La vulnérabilité suicidaire :

  • Des facteurs de risque : antécédents suicidaires personnels et familiaux, troubles psychiques et troubles du comportement ; troubles liés à l’usage de substances, personnel ou familial  ; notion de harcèlement ; contexte de maltraitance (populations à risque : violences, migrants, transgenres) ; difficultés familiales ou sentimentales ….
  • Des facteurs de protection : soutien familial, social, amical, scolaire, spirituel et capacité à rechercher de l’aide ….

Il est recommandé de ne jamais sous-estimer l’urgence suicidaire [1].

Il est recommandé de ne jamais sous-estimer l’urgence suicidaire [1].

Référence :

[1].HAS. Idées et conduites suicidaires chez l’enfant et l’adolescent : prévention, repérage, évaluation, prise en charge. Recommandations de bonne pratique. 2021.

Qualité de la preuve : Grade 3

Mots clés : suicide ; prévention et contrôle [suicide ; prevention and control].

Comment orienter un enfant ou un adolescent suicidaire ?

Il est recommandé à chaque personne ayant repéré un enfant ou un adolescent susceptible de traverser une crise suicidaire de l’orienter dans les meilleurs délais vers un professionnel ou un dispositif capable de mener une évaluation et une prise en charge adaptée à son contexte personnel, familial et socio-environnemental [1].

En cas d’inquiétude quant à un risque imminent de passage à l’acte il est recommandé d’orienter le patient vers un service d’urgence [1].

Dans l’ensemble des autres cas il est recommandé d’orienter le patient vers un professionnel dit “de première ligne“ (médecin généraliste, pédiatre, infirmière ou médecin scolaire, pédopsychiatre, psychologue) capable d’évaluer l’importance de la crise, de mener une action adaptée et d’orienter si besoin vers des professionnels ou structures dits “de deuxième ligne spécialisée“ capables d’assurer le soin et le suivi (services hospitaliers, centres médico-psycho-pédagogiques, maisons des adolescent(e)s) [1].

La HAS [1] et le NICE [2] préconisent de mettre en place avec l’adolescent et son entourage un plan de sécurité avec une réévaluation régulière pour identifier une accutisation du risque qui comporte :

  • L’identification des signaux d’alarme associés à une aggravation de la crise suicidaire ;
  • Le renforcement des stratégies de coping (“processus qu’un individu peut imaginer et mettre en place entre lui et un évènement qu’il juge inquiétant“) productives comme la capacité à rechercher de l’aide, à résoudre des problèmes, à se centrer sur le positif ou l’investissement scolaire;
  • La sécurisation de l’environnement en limitant l’accès aux moyens de suicide ;
  • La mobilisation d’un réseau social de proximité ;
  • Le renforcement de l’adhésion au suivi et à la mise à disposition de ressources en cas d’urgence.

Ces préconisations peuvent être mises en place par différents professionnels, dans différents cadres institutionnels et à différents temps de la crise suicidaire [1,2].

Références :

[1].HAS. Idées et conduites suicidaires chez l’enfant et l’adolescent : prévention, repérage, évaluation, prise en charge. Recommandations de bonne pratique. 2021.

[2].NICE. Self-harm: assessment, management and preventing recurrence. 2022.

Qualité de la preuve : Grade 3

Mots clés : suicide ; prévention et contrôle [suicide ; prevention and control].