Prescription hors AMM

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Quelles sont les règles préalables à la commercialisation et l’utilisation d’un médicament ?

Pour être commercialisé tout médicament fabriqué industriellement doit faire l’objet, après évaluation des critères scientifiques de qualité, sécurité et efficacité, d’une autorisation de mise sur le marché (AMM) [1].

Délivrée par les autorités compétentes européennes (commission européenne après avis de l’agence européenne du médicament – EMA) ou nationales (agence nationale de sécurité du médicament – ANSM) l’AMM est accompagnée du Résumé des Caractéristiques du Produit (RCP) et de la notice pour le patient.

L’AMM peut être suspendue ou retirée à tout moment si :

- il apparait que la spécialité pharmaceutique est nocive dans les conditions normales d'emploi,

- l'effet thérapeutique fait défaut,

- la spécialité n'a pas la composition qualitative et quantitative déclarée,

- il apparaît que les renseignements fournis sont erronés,

- les conditions prévues lors de la demande de mise sur le marché ne sont pas ou plus remplies,

- l'étiquetage ou la notice du médicament ne sont pas conformes aux prescriptions générales ou spécifiques prévues.

Après commercialisation le rapport bénéfices/risques du produit est évalué en permanence pour prendre en compte la mesure des effets indésirables connus ou nouvellement répertoriés.

En cas de risque pour la santé le produit peut faire l’objet d’une restriction, modification d’indication ou retrait d’AMM. De nouvelles indications pour le produit concerné doivent faire l’objet d’une nouvelle demande d’AMM.

Référence.

[1] Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des Produits de Santé (ANSM). Autorisation de Mise sur le Marché (AMM). L’AMM et le parcours du médicament.

Qualité de la preuve : données réglementaires.

Mots clés: Prescription - médicaments - Autorisation de mise sur le marché des produits [prescription - drugs - Product approval]

Quand une prescription hors AMM est-elle possible ?

Lorsqu’ils prescrivent les médecins doivent respecter les AMM. Des prescriptions hors AMM sont possibles mais strictement encadrées.

La prescription hors AMM représenterait 15 à 20% de la totalité des prescriptions, voire d’avantage dans certains domaines comme la pédiatrie, la psychiatrie ou la cancérologie [1].

Une spécialité pharmaceutique peut faire l’objet d’une prescription non conforme à son AMM en l’absence de spécialité de même principe actif, de même dosage et de même forme thérapeutique disposant elle-même d’une AMM dans l’indication concernée ou d’une autorisation temporaire d’utilisation (ATU) sous réserve que [2]:

  • L’indication ou les conditions d’utilisation considérées aient fait l’objet d’une recommandation temporaire d’utilisation (RTU) établie par l’ANSM. Cette recommandation ne peut excéder 3 ans.
  • Ou, qu’à défaut, le prescripteur juge indispensable, au regard des données acquises de la science, le recours à cette spécialité pour améliorer ou stabiliser l’état clinique du patient.
  • Le prescripteur informe le patient:

- que la prescription de la spécialité pharmaceutique n'est pas conforme à son AMM, de l'absence d'alternative médicamenteuse appropriée, des risques encourus et des contraintes et bénéfices susceptibles d'être apportés par le médicament.

- et sur les conditions de prise en charge, par l'assurance maladie, de la spécialité pharmaceutique prescrite.

  • Il porte sur l'ordonnance la mention : « Prescription hors autorisation de mise sur le marché» ou le cas échéant « Prescription sous recommandation temporaire d’utilisation ».
  • Il motive sa prescription dans le dossier médical du patient.

Référence.

[1] Laude A. Dans la tourmente du Médiator : prescriptions hors AMM et responsabilités. Etudes et commentaires. Recueil Dalloz. 2011 ;n°4.

[2] Legifrance. Code de la santé publique. Article L5121-12-1. Version en vigueur au 10 août 2014.

Qualité de la preuve : données réglementaires.

Mots clés : Prescription - médicaments - Autorisation de mise sur le marché des produits [prescription - drugs - Product approval].

Quels sont les risques pour le patient et le médecin d’une prescription hors AMM ?

Une prescription hors AMM n’est pas de facto considérée comme illégale et nécessairement fautive [1].

Mais même légale dans certains cas la prescription hors AMM est par essence une prescription à risque puisque les études n’ont pas permis de garantir le rapport bénéfice/risque du produit prescrit. Elle peut engager la responsabilité à la fois financière, disciplinaire, civile et pénale [2,3].

L’obligation d’information implique que le patient soit en mesure d’accepter en toute connaissance de cause [4]:

- Caractère hors AMM de la prescription du fait que le produit n’a pas l’autorisation dans l’indication pour laquelle il est prescrit.

- Utilité.

- Conséquences et risques fréquents ou graves éventuellement prévisibles.

- Alternatives thérapeutiques.

- Conditions de prise en charge par l’assurance maladie.

A défaut de pouvoir apporter la preuve de cette information le médecin s’expose au risque d’accusation que l’absence d’information est à l’origine du préjudice subi par le patient.

Références:

[1] Roussel D. Prescription médicale hors AMM : ce qui change en 2012. AMM (autorisation de mise sur le marché) et médicaments. MACSF. Décembre 2012.

[2] Gromb S, Maurain C, Carbonnel S. Prescription de médicaments hors AMM et responsabilité. Presse Med 2000 ;29(19) :1053-7.

[3] Laude A. Obligation d’information et prescription hors autorisation de mise sur le marché. Recueil Dalloz 2012 p. 1794.

[4] Legifrance. Code de la santé publique – Article L5121-12-1. Version en vigueur au 10 Août 2014.

Qualité de la preuve: données réglementaires.

Mots clés: Médicaments - prescriptions hors recommandation – responsabilité légale [Drugs - off label use – légal liability].

Quelles peuvent être les conséquences financières?

En dehors du cadre de l’AMM seuls les médicaments prescrits dans le cadre d’une RTU peuvent faire l’objet d’une prise en charge dérogatoire pour une durée limitée sous réserve de figurer dans un arrêté ministériel d’inscription après avis de la HAS.

La spécialité doit impérativement figurer dans le protocole de soins L.324-1 établi conjointement entre le médecin prescripteur et le médecin conseil de l’assurance maladie [1].

Si les deux conditions sont remplies la prise en charge se fera :

- Soit dans la limite d’un forfait annuel sur présentation de la facture du pharmacien accompagnée de la prescription.

- Soit dans les conditions de droit commun si le médicament bénéficie déjà d’au moins une indication remboursable.

Référence: Assurance maladie Rhône Alpes. La prescription en dehors du cadre de l’AMM. Fiche pratique. Juillet 2013.

Qualité de la preuve: données réglementaires.

Mots clés: Médicaments - prescriptions hors recommandation – responsabilité légale [Drugs - off label use – légal liability].

Dans quelle mesure la responsabilité civile peut-elle être engagée ?

Comme pour toute activité de soins, le médecin est lié à son patient par une relation contractuelle qui impose une obligation de moyen et de délivrance de soins « consciencieux, attentifs et conformes aux données actualisées de la science ».

- Il incombera au patient de prouver qu’un dommage résulte de la nature de la prescription.

- La loi du 04 Mars 2002 impose au médecin de délivrer une information complète sur tous les risques fréquents ou graves du traitement prescrit (Article L 1111-2 de la loi 2002-303 du 4 Mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé).

La faute professionnelle peut alors prendre la forme d’un manque d’information ou d’une information incomplète ou inexacte n’ayant pas permis au patient de donner un consentement éclairé en toute connaissance de cause.

Il appartient au médecin d’apporter la preuve de cette information sans possibilité de s’en dispenser du seul fait d’un caractère exceptionnel du risque.

Référence: Article L 1111-2 de la loi 2002-303 du 4 Mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé.

Qualité de la preuve : données réglementaires.

Mots clés : Médicaments - prescriptions hors recommandation – responsabilité légale [Drugs - off label use – légal liability].

Dans quelle mesure la responsabilité pénale peut-elle être engagée ?

Des poursuites pénales seraient susceptibles d’être engagées sur le fondement d’infractions particulières relevant du code de la santé publique et des articles 223-1 et 221-6 du code pénal [1-3] :

- Prescriptions irrégulières de médicaments humains soumis à prescription restreinte.

- Mise en danger par le seul fait d’exposer le patient à un risque de mort ou de blessure de nature à entraîner une mutilation ou infirmité permanente par violation manifestement délibérée d’une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou les règlements.

- Homicide involontaire par imprudence, négligence ou manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement.

Références :

[1] Code la santé publique. Articles L.5421-1 et suivants. Version en vigueur au 11 juin 2015.

[2] Code pénal – Article 223-1. Version en vigueur au 19 mai 2011.

[3] Code pénal – Article 221-6. Version en vigueur au 19 mai 2011.

Qualité de la preuve : données réglementaires.

Mots clés : Médicaments - prescriptions hors recommandation – responsabilité légale [Drugs - off label use – légal liability].

Qu’en est-il de la responsabilité disciplinaire?

Le médecin est responsable de ses prescriptions.

Des sanctions disciplinaires seraient susceptibles de se cumuler avec des sanctions civiles ou pénales au regard de plusieurs articles du code de déontologie.

  • Article 8 (article R.4127- 8 du code de la santé publique) «Dans les limites fixées par la loi et compte tenu des données acquises de la science, le médecin doit tenir compte des avantages, des inconvénients et des conséquences des différentes investigations et thérapeutiques possibles».
  • Article 40 (article R.4127-40 du code de la santé publique). «Le médecin doit s'interdire, dans les investigations et interventions qu'il pratique comme dans les thérapeutiques qu'il prescrit, de faire courir au patient un risque injustifié ».
  • Article 39 (article R.4127-39 du code de la santé publique). « Les médecins ne peuvent proposer aux malades ou à leur entourage comme salutaire ou sans danger un remède ou un procédé illusoire ou insuffisamment éprouvé ».

Références :

[1] Conseil National de l’Ordre des Médecins. Article 8. Liberté de prescription.

[2] Conseil National de l’Ordre des Médecins. Article 40. Risque injustifié.

[3] Conseil National de l’Ordre des Médecins. Article 39. Charlatanisme.

Qualité de la preuve: données réglementaires.

Mots clés: Médicaments - prescriptions hors recommandation – responsabilité légale [Drugs - off label use – légal liability].

Quelles sont les règles régissant les autorisations temporaires d’utilisation (ATU) ?

L’utilisation exceptionnelle de spécialités pharmaceutiques ne bénéficiant pas d’une autorisation de mise sur le marché (AMM) et ne faisant pas l’objet d’un essai clinique est conditionnée à l’obtention préalable d’une Autorisation Temporaire d’Utilisation (ATU).

Les ATU sont délivrés par l’ANSM aux conditions que :

- Les spécialités concernées sont destinées à traiter, prévenir ou diagnostiquer des maladies graves ou rares.

- Il n’existe pas de traitement approprié.

- Leur efficacité et sécurité d’emploi sont présumées en l’état des connaissances actualisées de la science.

Il existe deux types d’ATU:

- L’ATU dite de « cohorte » ou « pré AMM » dans l’hypothèse ou l’efficacité et la sécurité des médicaments sont fortement présumées au vu des résultats des essais thérapeutiques. L’ANSM accorde une ATU.

- L’ATU dite « nominative » concerne un seul malade. Délivrée à la demande et sous la responsabilité du médecin prescripteur elle permet la délivrance, uniquement pour la durée du traitement, d’une autorisation de mise sur le marché, dés lors que le médicament est susceptible d’apporter un bénéfice au patient. Elle ne peut excéder un an.

Elle doit faire l’objet d’une demande spécifique auprès de l’ANSM.

Référence: ANSM. Autorisations temporaires d’utilisation. Avril 2015.

Qualité de la preuve : données réglementaires.

Mots clés : Médicaments - prescriptions hors recommandation [Drugs - off label use].

Quelles sont les règles régissant une recommandation temporaire d’utilisation (RTU) ?

Les médicaments sous ATU ne sont disponibles que dans les pharmacies hospitalières (article L. 5121.12 du code de la santé publique et décret n° 98-578 du 9 juillet 1998). Pour des médicaments commercialisés, un processus similaire, la RTU permet une prescription hors AMM [1].

Une RTU a pour objet de sécuriser la prescription d’un médicament non conforme à son AMM pour répondre à un besoin spécifique du patient, à l’issue d’un examen effectif de ce dernier et en se fondant sur les considérations thérapeutiques qui lui sont propres [2].

Une RTU mentionne pour chaque spécialité concernée :

- L’indication.

- La posologie et le mode d’administration.

- Les effets indésirables.

- Le classement de la spécialité s’il diffère de celui indiqué dans l’AMM.

Elle comporte un argumentaire faisant apparaître les données disponibles amenant à présumer que les bénéfices attendus sont supérieurs aux risques encourus dans cette indication ou dans ces conditions d’utilisation.

Elle peut concerner plusieurs spécialités appartenant à un même groupe générique.

Elle précise les modalités de suivis et de recueil des informations relatives à l’efficacité et la sécurité formalisées dans un protocole de suivi des patients.

Elle comporte également la mention de sa durée de validité qui ne peut excéder 3 ans.

Références :

[1] Faroudja JM, Delga ME, Bureau JY, Dezetter A, Ellena V, Gicquel JP et al. La prescription et la place du médicament dans la relation Médecin – Patient – Pharmacien. Aspects réglementaires, éthiques et déontologiques. Conseil National de l’Ordre des Médecins. Commission nationale permanente 2011-2012.

[2] Legifrance. Code de la santé publique. Article L5121-76-1. Version en vigueur au 01 Janvier 2015.

Qualité de la preuve : données réglementaires.

Mots clés : Médicaments - prescriptions hors recommandation [Drugs - off label use].